Cela fait peut être un an maintenant qu’elle me demande de lui apprendre à tricoter. Je voyais bien qu’elle s’intéressait de plus en plus à mes aiguilles mais je la pensais un peu trop petite encore. Et puis j’ai remarqué toute l’attention qu’elle mettait à me regarder faire. Malgré la vitesse du fil entre mes doigts, elle essayait de capter la douce valse du mouvement.
Je lui ai donné des choses très fines à manipuler, des paillettes, des épingles et des petits ciseaux, des aiguilles à enfiler, juste pour qu’elle s’entraine à être minutieuse, pour que ses gestes soient assurés. J’avais dans l’idée d’habituer ses mains à faire des mouvements enchainés et précis.
Et puis ce matin alors que nous étions encore toutes les deux en pyjamas, je lui ai dit: « Je crois que tu es prête, tu as envie d’apprendre à tricoter maintenant? »
Elle a dit oui avec les yeux, dans ce plissement de paupières que je connais bien et qui exprime beaucoup plus qu’un simple oui.
J’avais réfléchi à quelles aiguilles lui donner, j’ai choisi pour elle des aiguilles circulaire N°7 en bambou. Le cable est un peu trop long, mais je lui trouverai une paire plus adaptées plus tard. Pour la laine, je l’ai laissée peloter une très belle laine bien souple et bien ronde. Du cachemire pour débuter en tricot, je ne voulais rien de moins pour elle.
Je lui ai monté quelques mailles, et tricoté le premier rang, ensuite je l’ai entourée de mes bras et posé mes mains sur les siennes.
« Tu piques dans la maille, avec ta main gauche tu prends les deux aiguilles avec la droite, tu entoures le brin de laine autour de l’aiguille de derrière puis tu plonges dans le trou et tu fais partir la maille… On recommence maintenant. »
Au bout de trois mailles, j’ai relâché la pression de mes mains. Tout doucement pour n’être plus qu’un écrin autour des siennes. Avec application et concentration, elle tricotait seule.
Ma voix s’est faite toute douce. Dans mes bravos il y avait toute mon émotion de maman, tous mes espoirs exaucés. Et puis il y avait aussi ma grand mère. Elle qui a mis de la laine entre mes mains et qui m’a donné l’amour des mailles, des rangs et des jolies finitions.
Vous dire combien j’ai été émue serait difficile. Ce matin Violette et moi avons eu un de ces moments délicats et suspendus comme il y en a parfois. Sans que l’on s’y attende vraiment, sans que ce soit prémédité. J’avais secrètement et follement espéré qu’elle ait l’envie d’apprendre. J’y allais tout doucement sans lui en parler trop. Je l’ai laissée venir à la laine, seule pour ne surtout pas la braquer. Elle a appris vite et elle manifeste déjà le désir de recommencer.
Alors peut être que pour vous cela peut paraitre anodin, mais pour moi qui suis une incorrigible sentimentale, aujourd’hui restera pour longtemps une journée dont je me souviendrai. Ce matin je lui ai donné mes mains pour que les siennes fassent le reste. Je lui ai légué l’or que ma petite mamie avait soufflé sur les miennes. Et avec la fragilité déterminée de ses doigts d’enfant, elle a enchaîné les mailles à l’endroit superbement.
« Ce sera une écharpe pour mon doudou d’accord? Et après tu m’apprends à faire des chaussons pour mes poupées. » Je t’apprendrai tout ce que tu voudras apprendre de moi mon amourette… Le reste viendra de toi même.
Je vous souhaite une belle semaine. À très vite.
Camille
17 commentaires
Je suis sans une incorrigible sentimentale moi aussi parce que je comprends très bien ton émotion. C’est quelque chose de très émouvant de leur transmettre un savoir, une passion. Je vous souhaite de longues heures de tricot toutes les deux !
Vous vous souviendrez toutes les deux de ce moment . C’est beau cette histoire de transmission . J’aime tant te lire tes mots me touche beaucoup . Chez nous aussi la transmission c’est important , crochet et couture . Un jour j’espère qu’elles voudront aussi apprendre le tricot . Tu nous montreras les merveilles qu’elle va tricoter j’espère
Comme d’habitude j’ai les larmes aux yeux (ou le rire aussi, mais pas là) et merci. Merci d’écrire de si beaux mots qui nous renvoient bien souvent à des choses que nous avons vécu ou aimerions vivre. Je tricote avec bonheur et délectation, j’ai deux garçons qui m’ont demandé à plusieurs reprises de leur montrer (ce que je vais faire maintenant hein) et une petite poulette de quelques mois… J’espère pouvoir partager avec elle en particulier ce que ma mère et ma grand-mère ont partagé avec moi. Je croise donc les doigts et j’attends moi aussi ce moment suspendu avec les uns ou les autres… Bisette
Pareil les larmes aux yeux c’est beau votre histoire
La semaine dernière à la faveur d’une après-midi sans école pour cause de maîtresse absente, j’ai aussi appris à tricoter à ma princesse de 7 ans. Un très joli moment. C’est toujours émouvant.
Que c’est beau ❤ et pas du tout anodin mais une transmission merveilleuse.
Superbement écrit comme d’habitude, tu sais tellement bien transmettre une émotion … j’ai failli avoir la larme à l’oeil ( je suis une dure à cuire pourtant!)
J’aimerais tellement avoir ta plume pour que ma fille prenne plus tard plaisir à me lire et ressente toutes les émotions qui me traversent lorsque nous partageons ses petits instants complices entre mère et fille. Ses instants sont tellement précieux et tellement grands. Ils ne coutent rien mais valent tellement.
Merci pour ce partage et d’avoir éveillé en moi le souvenir de ces moments avec ma propre mère.
x LiLi Confetti x
C’est beau.
Tricot et transmission, voilà un billet qui me touche particulièrement. C’est une très bonne idée que de lui faire commencer avec des circulaires!
superbe! Vivement que je puisse faire de même, aller encore 1 ou 2 ans!
Bah voilà…j’ai eu la larme ! Quelle jolie histoire… Ta dernière phrase m’a beaucoup touché car elle veut dire tellement
Tu écris si bien ce par quoi je suis passée il y a un peu plus d’un an avec ma tendre Choupinette. Je me souviens de ses yeux pétillants lors de ses premières mailles à un peu plus de 6 ans… puis de sa fierté lorsqu’elle est allée toute seule demander à la dame de la boutique de laine pour ses pelotes roses et ses grosses aiguilles bleues en 6mm. Depuis la petite miss a fait une écharpe et un bonnet pour son bébé Corolle, elle a son propre livre de tricot, son sac à ouvrage et s’est attaqué à la réalisation du pull pour sa Zoé.
Elle ne tricote pas tous les jours mais quel plaisir pour moi lorsque je la vois arriver avec son sac et son « Dis maman tu me fais une place à coté de toi ? »
Je vous souhaite de tendre moments de complicité à toutes les deux autour de vos mailles respectives.
Nina ne me voit jamais coudre, je viens de réaliser. Je couds quand elle dort et au sous sol donc elle n’a aucune idée. Elle ne voit que le résultat. Ma mère lui a appris le canevas cet été mais elle a pas spécialement réclamé à continuer. Je pourrais lui apprendre pleins de trucs genre parler anglais, coudre, plier du linge (ahah). Je lui ai appris à faire les lasagnes et le guacamole c’est déjà bien non ? Putain en fait j’ai honte, je suis la pire pédagogue du monde.
ça y est, elle y est, tu y es ! c’est magnifique et je suis très émue de te lire !
Un jour aussi j’espère, j’apprendrai la couture à Mona…
Tes mots si délicats comme à ton habitude et puis cette transmission … c’est si beau et si doux <3
J'en chialerai Camille !
« Je t’apprendrai tout ce que tu voudras apprendre de moi ». Votre article m’a fait pleurer !
Vous êtes pleine d’émotions, pleine de vie. Je vous remercie pour vos mots.
J »adore cet article !!!!!
J »en vis aussi des moments comme ca avec mes enfants … mais je me dis que les écrire c’est encore vraiment autre chose…..
C »est su bien décrit…. c »est exactement ca !….
J »adore quand on s »émerveillé et encore plus quand on le partage,…..
Cb est vraiment bon !!!!!!