janvier 24, 2017

MON PAS DANS LE VIDE

J'ÉCRIS
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Du plus loin que je me souvienne, j’ai été une casse cou. Adolescente j’ai eu envie de faire mille choses sensationnelles pour faire vibrer un peu l’enfant que j’étais et qui grandissait. Rien ne me faisait peur, j’aimais le vide, la vitesse, l’extraordinaire, le bizarre… Il fallait que ça bouge, que ça sorte des sentiers battus, que ça fasse même parfois un peu peur. J’avais une confiance folle en moi, rien ne me résistait. J’avais comme beaucoup l’insouciance de mes jeunes années chevillée au corps, rien ne pouvait me faire tomber puisque j’étais tenue par l’amour de mes parents, une enfance heureuse, une vie douce. On dit souvent que l’amour parental donne des ailes. J’ai eu des ailes de soie et d’or tout ce temps là.

Et puis j’ai grandi. C’est le mot que l’on utilise par délicatesse pour ne pas dire « vieilli ». Mes enfants sont venus au monde et j’ai dû les tenir si fort que les mains qui me protégeaient devenaient inutiles. « Laisse, ça va, je peux y aller maintenant … » Et par transfert d’amour c’est moi qui ait fait une existence la plus douce possible pour les enfants que la vie m’a envoyé.

J’ai pris sur mes épaules tout ce que le temps m’apportait, les bons moments, les mauvais timing, les découvertes, les tristes nouvelles, l’amour fou, les chagrins et les sièges gris à trous dans la salle des divorces du tribunal de Nanterre. J’ai pris les fous rire et les cartes bleues dorées, mes salaires, les impôts, les emmerdes et les mutuelles, l’enfant qui grandit, l’autre qui naît. L’école, les tournages de nuit, Paris, notre 6ème étage. J’ai pris des vergetures et des cheveux blancs, des vernis Chanel et la chance de rencontrer un deuxième grand amour. J’ai pris l’Afrique en plein coeur et pour toujours, les compromis et larmes

Et puis tout doucement, comme on s’endort parfois, la vie m’a clouée au sol. Finies les envies de cœur qui défonce la poitrine, doucement la passion dévorante, calme toi l’exaltation. Ces petites vies sorties de moi et qui palpitent là dehors avaient besoin d’être couvées. Plus de risque inutiles, les fils qui me relient à eux sont bien trop fragiles pour les malmener. J’ai gardé le gout du grandiose et du sang qui bouillonne, mais j’ai mis tout ce joli monde au repos. J’ai encore cet attrait pour les paysages hors du communs, pour ce qui défie les lois de la nature, mais plus endormis qu’auparavant. Il était bien lourd ce mateau chaud et douillet dans lequel je m’étais emmitouflée…

Et puis ce vertige que je n’avais pas et que je me suis découvert à Dubaï au sommet de la tour la plus haute du monde… Cette peur viscérale de tomber malgré moi. Comme une manifestation physique de la retenue que j’ai mise en place pour ne pas laisser transparaitre mes failles, mes peurs et mes écorchures.

La semaine dernière je suis montée au plus haut de l’aiguille du midi. Il y avait ce cube de verre dont tout le monde parle. Du verre partout en transparence et cette impression de marcher dans le vide, le Mont Blanc en face et le sol mille mètres en dessous.

Mille mètres.

Je voulais le faire. Toutes les cellules de mon corps me hurlaient d’y aller. J’étais loin d’imaginer la force que mes retrouvailles avec la moi d’avant allaient me donner.

J’ai tendu la main à un inconnu pour qu’il m’aide à avancer vers le vide puis je l’ai lachée doucement. J’ai senti tout mon être s’agglutiner et se ratatiner dans ma tête en lui criant d’avancer. Au milieu de ce paysage grandiose les vannes se sont ouvertes. Et dans les larmes, les rires, les yeux collés vers l’horizon j’ai laissé tout ce qui m’engluait.

Les peines de l’automne, les douleurs et les rancœurs, la culpabilité, l’immobilisme. Les hontes et les frousses de mal faire. Tout est resté là haut quelque part dans les montagnes.

Je suis descendue légère avec la certitude d’avoir lavé mon cœur. C’est rare un moment pareil alors je vais le chérir pour longtemps. Parfois il faut savoir lâcher prise. Quitter ses certitudes pour aller de l’avant, et par la même occasion se défaire de ses casseroles. Depuis ce matin là j’ai conscience que rien ne m’entrave plus. J’ai laissé mes chaines dans l’infini d’un paysage de montagne et la neige tombera pardessus. Je suis de nouveau neuve et prête à bouffer le monde

Il aura fallu vaincre une fois de plus mes peurs, aller au delà de mes imites. Il aura fallu ce pas dans le vide pour me remplir à nouveau.

 

Je vous embrasse fort.

 

PS: Merci Charlotte pour la photo et pour tes bras et ton sourire lorsque je suis sortie de là. Et puis très vite je vous reparle mieux de ce blog trip de tous les défis!

Camille.

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29 commentaires

  1. Répondre cha janvier 24, 2017 à 9:07

    Wouah !!! Bel exploit ! Que de fragilités et de force dans ces quelques mots. Je suis admirative, et envieuse, d’une telle prise de conscience. Merci de vous ouvrir à nous avec tant de sincérité et de poésie. Vous êtes une source d’inspiration constante .

  2. Répondre Petite G janvier 24, 2017 à 9:33

    Whaaaa…..

  3. Répondre MamaCami janvier 24, 2017 à 9:56

    Ton texte est magnifique. Tout doit prendre une autre dimension quand on se retrouve au milieu de ce paysage à couper le souffle. J’aurais tellement besoin d’un tel lâcher prise!!!
    Merci d’être celle que tu es.

  4. Répondre Justine janvier 24, 2017 à 9:59

    J’avais besoin de lire quelque chose comme ça, ce soir.
    Merci

    • Répondre lili Bras Antunes janvier 25, 2017 à 2:47

      moi aussi j’avais besoin de lire une chose comme celle ci depuis un moment….et toi camille tu as toujours une image, une photo ,une phrase , un mot ou un texte qui fait un bien énorme
      des choses qui sont là dans le coeur mais qui oui sont devenues des casseroles et on n’a pas envies d’en parler a voix hautes ou alors seule en parlant aux murs …… j’ai le ceour chambouler et les lunettes embuées mais merdasse ça fait du bien. Tu es indescriptible
      merci

  5. Répondre Mybrouhaha janvier 24, 2017 à 10:08

    Il est incroyable ce texte, il file des frissons bon sang! Cest inestimable ce moment que tu as vécu la haut avec toi même! C’est drôle comme en te lisant moi je me rends compte que je vis l’inverse. Plus je grandis plus je rattrape l’assurance que je n’avais pas enfant. C’est toi qui me donne la tienne peut être!

  6. Répondre Je ne suis pas une poule janvier 24, 2017 à 10:08

    Waouu! Rien qu’à regarder, moi, j’ai les jambes qui se coupent! Et rien qu’à te lire j’ai le ventre qui se noue et les yeux qui s’embuent…

  7. Répondre Sabrina janvier 24, 2017 à 10:10

    Au-delà du geste, et de sa capture impressionnante en image, ce texte est beau, mais beau…

  8. Répondre Matinbonheur janvier 24, 2017 à 10:42

    Comme ça me parle. J’ose enfin etre moi, et faire ce pas chaque jour vers l’inconnu. Et alors? Bah vient un moment où le bourgeon devient fleur et où les fleurs fleurissent, il ne peut en etre autrement.

  9. Répondre Celine / Shalima janvier 25, 2017 à 12:07

    Touchée en plein cœur, Camille, il me file même un peu le vertige, ton billet… Des bisous !

  10. Répondre Louise janvier 25, 2017 à 12:51

    C’est génial ! Bisous bisous

  11. Répondre Or nella janvier 25, 2017 à 7:48

    Bonjour Camille,
    Quelle belle écriture ! Vous m’avez souvent transporté lors de vos billets, mais celui ci et vole au dessus des autres , surement grâce à vos ailes de soies et d’or . Dans vos écrits on lit une très belle personnes., je ne vous connais pas mais c’est le sentimt que ca me donne . J’écris rarement des commentaires sur internet mais en vous lisant je n’ai pas pu me retenir. ( a quand un livre 🙂 ). Il y a peu j’ai ressenti quelque chose similaire en chantant à voix haute devant plusieurs personnes et je me suis dit que plus jamais je m’enfermerai dans cette peur, dans ce confort. Vive le lâcher prise, et merci pour vos mots . Belle et heureuse journée.

  12. Répondre Geraldine_Saint janvier 25, 2017 à 8:34

    Il est beau ton texte. Ça devait être un moment très fort à vivre ce rendez-vous là haut avec toi même.
    Tu as fait un pas dans le vide pour lâcher prise. Moi j’ai plongé un été depuis une cascade. J’ai surmonté ma peur du vide et celle de m’écraser sur un rocher. Mais surtout, à ce moment précis où j’ai sauté, j’ai osé. Et ça fait du bien de dépasser ses peurs et de se jeter dans le vide, au sens propre comme au figuré. Merci de partager cela avec nous.

  13. Répondre Penat13 janvier 25, 2017 à 8:38

    Moi c’est au moment où j’ai eu mes enfants que j’ai connu le vertige ,La peur de la vitesse,La peur de les perdre. Lorsque je pars en voyage avec mes élèves je suis capable de monter en haut d’une tour,de faire une attraction Mais j’en suis incapable avec mon mari et mes enfants. J’ai envie de prendre sur moi depuis plusieurs années mais c’est dur. Bravo pour ton courage et ton lâcher prise. Bises

  14. Répondre Mo janvier 25, 2017 à 8:49

    Chère Camille « toute neuve  » , je te suis sur instagram et ton post d’aujourd’hui ma donné envie d’aller plus loin , de me rendre sur ton blog pour lire cet article « renversant  » … Des mots posés si justement pour parler de toi ( dans lesquelles on se retrouve toutes un peu , en tout cas moi …) et puis ce pas salvateur au dessus du vide , bouleversant . Ce déclic qui t’as permis de revenir plus légère !! Bravo , une nouvelle vie pleine d’aventures et de légèreté s’ouvre à toi … Bon vent …

  15. Répondre Aurélie janvier 25, 2017 à 9:30

    J’aime beaucoup te lire, tu as un réel talent pour l’écriture que j’admire, mais alors ce billet, il m’a émue à un point ! Merci

  16. Répondre DANIEL janvier 25, 2017 à 11:07

    Trop joli et tellement fort…

  17. Répondre chloé janvier 25, 2017 à 12:15

    Camille,
    ton récit de vie est presque le parfait négatif de ce que serait le mien… pourtant je ressens beaucoup de connivence et presque un peu de complicité à te lire. En tout cas, de l’admiration pour cette capacité à prendre du recul, à te débarrasser de ce qui t’encombre et à le transcrire avec tant de justesse et de sincérité que ça nous met les poils.

  18. Répondre Woodyealine janvier 25, 2017 à 1:09

    Pourquoi il y a tellement d’angoisses et de névroses lorsque l’on grandit? Ce séjour et ce pas dans le vide aura été une vraie thérapie.
    Bravo Camille. Pour cette envolée vers la liberté de l’esprit. Bravo pour tes mots, comme toujours.
    Cet article est un électrochoc pour moi et mes peurs.
    Merci. Bisous

  19. Répondre Frédérique janvier 25, 2017 à 6:04

    Que de jolis mots pour ce moment si intense.
    Lâcher prise… Selon moi, l’un des plus gros défis quand on est Maman.
    Merci du partage Camille ♡♡♡

  20. Répondre Pimpichr janvier 26, 2017 à 7:47

    Quelle force tu as en toi !! Et quelle capacité de réflexion! Bravo à toi, à tes pas en avant qui, ici, est plutôt un bond ! Quel bonheur cela doit être de se sentir accomplie, libérée. Moi, je n’y suis pas encore parvenue…et ne désespère pas. Pleins de bisous.

  21. Répondre MarieP janvier 26, 2017 à 7:07

    J y étais il y 2 mois au  »pas dans le vide » et ça ne m a rien fait. Mais j avoue je n ai aucunement le vertige. Par contre c est vrai que le paysage est grandiose. Il faisait super beau également pour moi.

  22. Répondre tata janvier 26, 2017 à 8:31

    Bonjour Camille, quel magnifique récit, un pur moment de bonheur….J’y trouve un écho particulier, moi qui ai ressenti de telles émotions en franchissant la ligne d’arrivée de mon premier marathon; il suffit que j’y repense pour me sentir une vraie warrior et me dire que je px tt faire, anything is possible!

  23. Répondre Lulu La Lucette janvier 27, 2017 à 8:29

    Tellement fort ce texte, on vibre et on vit cette expérience avec toi!
    bises Camille

  24. Répondre fichter janvier 27, 2017 à 6:38

    Très touchée par cet article et bravo
    Merci pour ce partage qui fait écho
    Bravo et quelle liberté retrouvée je pense
    Je ne vous connais pas bien même si je fait de vos textes une lecture quotidienne
    Je vous embrasse aussi en retour j’ai pris votre chaleur et votre authenticité en plein cœur
    Et comme je suis un cœur d’artichaut
    Bises chaleureuses
    Nadja

  25. Répondre cesdouxmoments janvier 27, 2017 à 11:08

    Quel beau texte, tout y est.

    Moi je n’ai jamais été casse cou et pourtant j’ai du relever de sacrés défis. Avec le temps, j’oscille entre envie d’être planplan et celles de me dépasser.

  26. Répondre L'Oursonne janvier 28, 2017 à 1:38

    Superbe image et quel beau texte…j’aime l’idée de tout abandonner d’en haut pour que ce soit recouvert de neige! Magnifique

  27. Répondre suzinelle janvier 31, 2017 à 4:09

    Juste envie de dire merci. Touchée plein coeur par ce témoignage et c’est pas peu dire.

  28. Répondre MONT BLANC NATURAL RESORT, LE SKI ET MOI – Ritalechat avril 5, 2019 à 8:37

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