février 20, 2019

À GENOU. ÉPISODE 5

LE CORPS
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Me voilà de retour au centre de rééducation, une semaine sans pédaler, je peux vous dire que ces 10 bornes m’ont bougé les cuisses. J’écoute des podcasts, ça chauffe ah ça oui et ça me fait réfléchir. La cuisse et le cerveau. On a  jamais aussi bien utilisé un genou pété.

Il y a plein de stagiaires, c’est rigolo de les voir me lancer des ballons et m’encourager, je me dis que ça pourrait être mes gosses et ça me fait un peu flipper sur mon stock de Yalu B5.

J’ai dit à Alain  que je ne comprenais pas vraiment ce que j’avais et que j’avais du coup du mal à me projeter dans la guérison. Pour une fois il n’a pas levé les yeux au ciel et m’a expliqué.

-Vous avez les croisés sectionnés au pire ou distendus au mieux, il ne vous servent plus. On ne vous opèrera pas, là il vous faut du muscle et reprendre votre vie normale.

Ma vie normale.

Celle où je peux danser comme une folle sans le payer pendant deux jours ? Celles où je peux juste courir pour rendre son bonnet à la dame qui vient de le faire tomber ? Celle où je peux porter des talons sans risquer six mois de plus de rééducation ? Celle où je peux faire l’amour sans méditer dans quelle position ? Celle où je pourrai skier tu veux dire Alain ? Celle où je n’aurais plus un oreiller dans mon lit pour me caler les jambes ? Celle où je pourrai retrouver t Émilie à la barre à terre le mardi soir ?

Ma vie normale, ma vie d’avant. C’est fou comme la vie peut prendre une tournure bien chiante pour une vraie connerie de bas de piste.

J’ai fait tomber les poids de la machine qui muscle les cuisses. Lucas, le kiné tout jeune et tout pince sans rire est venu m’aider. C’était trop lourd. J’ai dit « C’est trop lourd » .

Il a dit « Ça va là » ?

J’ai dit « C’est trop léger ».

Il a remis un kilo et j’ai dit « C’est parfait ».

On a chanté Hakuna Matata en duo, ça passait sur la chaîne de clip que je ne regarde jamais sauf en rêvant quand ils mettent du ski.

Non Pumba pas devant les enfants !

On a fait rire tout le monde. C’était bon d’avoir 14 ans, même avec une rotule qui cliquète un peu tout le temps.

Alain a sorti un instrument que je le vois utiliser sur les autres mais jamais sur moi. C’était donc mon tour. Un long outil en acier avec deux têtes recourbées. Le genre de truc que tu trouves sur une table de chirurgie mais dans un film gore des années 70.

– Tu­ ne me touches pas avec ce truc tant que tu ne m’as pas expliqué à quoi ça sert !

Le tu est sorti comme un réflexe archaïque de survie. Éphémère mais ferme.

Il a rigolé en me disant que c’était pour libérer mes articulations et pour décrocher des adhérences.

Je n’ai pas trop aimé comprendre en fait. J’aurais préféré n’avoir jamais su que j’avais des adhérences.

J’ai transpiré. J’ai fais les exercices consciencieusement. Je me sens vivante làbas.

Parfois je me demande pourquoi ce genou a décidé de me lâcher à ce moment de ma vie.

Mon corps. L’aimer. Le protéger. Prendre soin de moi. Accepter le sport. L’accueillir. Me dépasser. M’astreindre à une discipline. Grandir. Contrôler mon poids. Bouger. faire des rencontres, découvrir la douleur et ldévelopper une force insoupçonnée. Avoir un but. Aimer un genou. Écrire à ce sujet. Aimer écrire à ce sujet. Remettre mon corps à l’endroit.

Voilà j’en suis là de mon flot de pensées.

 

À genou. Mais pas à terre…

Je vous embrasse.

Camille

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2 commentaires

  1. Répondre Chantal février 21, 2019 à 9:33

    « Parfois je me demande pourquoi ce genou a décidé de me lâcher à ce moment de ma vie. » pour justement réfléchir à plein de trucs de /dans votre vie qu’il faut repenser et remanier!
    Mais c’est bien parce que moi il m’a fallu 3 accidents de ski pour en arriver à réfléchir sur ce que voulait dire mon corps! Bon courage! bises

  2. Répondre Sabine avril 8, 2019 à 10:38

    Moi c’est une cheville qui fait des siennes depuis 1 an. On tâtonne, personne ne comprend vraiment. Je continue mes séances chez le kiné. Et je connais les prenoms/noms de beaucoup de gens…. Je ne sais pas si c’est mauvais signe mais aujourd’hui, on a commencé à parler apéro sur la terrasse!

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