août 25, 2019

L’été de ses presque 15 ans.

ADO, DYS
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Début Juin. Ça a commencé à toute vitesse avec une hospitalisation en urgence. Ce qui s’est passé lui appartient mais ce que je peux laisser ici est l’effroi qui étreint par surprise, la trouille, la vie bousculée. Pourra-il passer le brevet ? Pourra-il partir à Malte ? Et cette phrase en boucle, la santé… l’essentiel est d’avoir la santé. Si vraie d’un coup.

Il a encore grandi après ça. Il s’est élancé. Qu’il est joli ce terme pour un adolescent. S’élancer vers encore plus d’autonomie quitte à faire pousser quelques cheveux blancs supplémentaires autour de mes tempes.

Les jours d’après se sont écoulés dans une douce torpeur, entre chaleur, derniers jours du collège et fausses révisions du brevet. Tout accaparé qu’il était à vivre les inoubliables dernières semaines du collège, il a virevolté, snappé, bullé, on n’a pas idée de coller un examen national à la plus belle période d’une vie d’ado.

Les balades aux jardins de la fontaine, les plans piscines ici ou chez les copains, les shopping avec dix balles en poche… le bal de fin d’année et son prix de l’élégance. C’est vrai qu’il était chouette dans son costume bleu électrique et ses Doc Marteens ! Et puis l’annonce du report du brevet, la canicule, les heures chaudes et Netflix.

Fin Juin. « Attends mais je vais devoir réviser une semaine de plus sérieux ? »

Pas la meilleure semaine de mon été je dois bien l’avouer, j’avais tellement hâte que tout ça soit derrière, de passer vraiment à autre chose.

Début Juillet. Une grosse valise, nos dernières recommandations, deux mamans à l’aéroport qui laissent leur deux grands partir à Malte. Nos apparentes décontractions. Les deux amis d’enfance. Les résultats du brevet, la page rafraichie frénétiquement et son texto laconique : mention AB.

Si tout s’est bien passé à Malte (à part le coup de fil qui te coupe les jambes à 7 heures du mat avec au bout du fil le môme qui te dis qu’il ne se sent pas bien…) j’ai senti que se frotter à la vie en dehors de la maison a été un peu rude au début. C’est normal après tout, il faut bien en passer par là.

Lorsqu’il est rentré, immense, bronzé et beau comme tout il m’a raconté qu’il avait failli en venir aux mains avec un groupe de jeune maltais qui avait usé de racisme envers lui et de harcèlement envers deux de ses copines de voyage. Il m’a dit avoir été fier d’avoir réglé ça sans coup, juste grâce à sa posture et en haussant le ton.

Là j’ai compris qu’il avait passé un cap. Il a réussi à maitriser une situation qui aurait pu mal tourner, il a défendu ses convictions et imposé de respecter deux filles. (Ça c’est bon pour mes points retraire de maman non ?)

Il a grandi disais-je, chaque jour un peu plus, comme quand le soleil fait mûrir les beaux fruits.

Fin Juillet. Je pars d’un côté avec Violette, il part de l’autre. Je le verrai peu je le sais. Il ne me manque pas encore, ça viendra, mais il me manque un enfant. Comme au théâtre on commence les filages d’une vie sans lui avant les générales et la grande première dans quelques années. Une vie à élever des pinsons pour les laisser s’envoler.

Je souffle aussi. Ses sautes d’humeurs, son téléphone, partout tout le temsp, ses absences alors qu’il est juste à l’étage au-dessus, son omniprésence paradoxale, ses contradictions m’épuisent, j’ai besoin d’éloignement pour mieux revenir.

Mi-août. Nous nous retrouvons. Ses cheveux sont courts, de dos on dirait un homme, de face il a gardé les yeux de son enfance. Je l’observe quand il dort et je retrouve ses paupières lisses de nourrisson. Les enfants conservent leurs tous premiers jours dans le sommeil vous ne trouvez pas ?

Nous partons à la montagne, il a fait pour la première fois sa valise seul, je râle un peu parce qu’il fait tout au dernier moment (ou bien râlais-je en secret de ce nouveau cordon coupé). Je ne devrais pas, je le sais. Sa valise était parfaite.

Aux Deux Alpes il vit sa vie, il se trouve des copains très vite à chaque fois. Des amitiés qui durent le reste de l’année grâce aux réseaux sociaux. Il nous snobbe la plupart du temps quand il est au club mais ne rechigne pas (trop) à passer les journées pleines de soleil avec nous.

Le dernier jour de nos vacances. C’est le spectacle des enfants au club. Je l’avais prévenu : pas de racailleries sur scène par pitié, je déteste ce genre qu’il se donne parfois plus pour me faire râler que par gout.

Nous sommes assis un peu sur le côté avec Rodolphe. Violette vient de sortir de scène dans un froufous de tutu vert fluo.

Je le vois arriver avec son pote et deux de ses copines, juste tous les quatre. Ils portent des gilets noirs et dorés et les filles des robes fuchsias frangées.

Il danse.

Nous cherchons frénétiquement nos téléphones Rodolphe et moi. Pas une seconde je n’aurais imaginé qu’il se lance sur scène dans une chorée. Lui si gauche parfois, lui qui se donne tant de mal pour construire une simple figure géométrique mais qui se repère mieux que quiconque dans New York. Cet enfant paradoxe.

Il danse et il est si beau. Je ne vois même pas combien il doit être concentré, combien la coordination avec ses copains lui était chère. Je vois juste un ado ok avec sa vie et avec ses différences.

Je suis bouche bée. Il nous bluffe, une fois de plus. Rodolphe n’en croit pas ses yeux, nous sommes très émus de le voir là où personne ne l’attendait. Si je réfléchis bien en fait il est rarement là où tout le monde l’attend.

Fin Août. Il rentre au lycée lundi, il en parle beaucoup. Je l’y encourage, depuis le début de l’été il sait qu’il ne doit plus garder ce qui l’angoisse pour lui. Parler, toujours. Même si parfois le dialogue se rompt, même si parfois on croit ne plus en pouvoir de cet ado aux bras ballants, même si parfois il nous manque l’énergie pour gravir les montagnes de ses humeurs.

Même si parfois on peine à grandir en même temps qu’eux.

Parler.

L’été de ses presque quinze ans il a eu de nouvelles plumes à ses ailes. Avec elles, il ira loin je le sais. Mais surtout, il ira là où il aura à cœur d’aller.

Tout ira bien mon cher enfant. Tout ira bien mon grand amour.

Maman Camille.

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14 commentaires

  1. Répondre Jelledanse août 25, 2019 à 7:06

    Comme disent les québécois… Tout va être correct… Il y a des fins de chapitre dans le livre que l’on partage avec son 1er enfant qui ont un goût particulier… Et cela me parle… J’y vais maman… Ne t’inquiète pas je gère… Laisse moi m’en occuper.. Mais sans te le demander vraiment guide moi de loin.. De tes yeux remplis d’amour parfois un peu lourd… Et paf on se prend un petit coup avant de commencer le nouveau chapitre… Allez hauts les cœurs pour ces années lycée 💖

  2. Répondre celine août 25, 2019 à 7:38

    couper le cordon …. quel exercice difficile pour une maman.
    Le mien va souffler ses 13 bougies dans un mois, il me dépasse bientôt. Il commence à avoir un corps d’ado avec un coeur d’enfant. Il a envie de grandir, de s’envoler mais il a peur et revient souvent dans les plumes de maman poule. Je ne suis pas prête à le laisser partir mais je sens qu’il a besoin de se prouver qu’il en est capable, qu’il en a vraiment besoin pour avoir confiance en lui.
    Alors, je vais me faire toute petite, le laisser trouver sa force pour le laisser grandir et forger ses armes. Je vais devoir me faire violence pour ne pas le relever avant même qu’il soit tombé.
    Comment je vais moi, trouver la force de laisser mon hypersensible se heurter à ce monde parfois si dur, particulièrement pour lui ? Je ne sais pas, mais je sais qu’il est temps, je n’ai que trop attendu. Je resterai là, pas loin , au cas où 🙂

  3. Répondre karine bajard août 26, 2019 à 6:26

    Que vos mots sont jolis, je me retrouve un peu avec mon ado de tout juste 14 ans qui change bien trop vite lui aussi …
    Merci

  4. Répondre oph août 26, 2019 à 9:14

    Larmes aux yeux… Votre relation m’émeut tellement, votre famille aussi. Il est vraiment une belle personne, ça se sent!

  5. Répondre TIC tics août 26, 2019 à 10:16

    Je me suis régalée de ces jolies lignes, si intéressantes et posées. C’est une belle confiance que tu nous livres là, et un témoignage précieux pour ce futur bel homme!
    Merci.

  6. Répondre Magmag août 26, 2019 à 10:59

    Mes enfants sont grands, mais je me reconnais et les reconnais dans vos mots si joliment posés, quelle belle idée !
    Par contre, une ligne me percute, parce que depuis 5 mois aujourd’hui, je suis la grand-mère d’une oetite fille métisse, à la peau dorée comme votre fils, et dont le papa a été agressée il y a 2 ans, à cause de sa peau noire. Cela m’effraie, m’angoisse même. Votre fils a bien réagi, et c’est vraiment super !

  7. Répondre Antier Céline août 26, 2019 à 8:20

    Magnifique texte, écrit avec le coeur d’une vraie maman.
    Très touchant. Merci pour ces mots, quel agréable moment j’ai passé a vous lire.

  8. Répondre isacoolpix août 27, 2019 à 6:24

    quelle magnifique vision!!! ce recul et cette justesse dans tes mots (où on devine les « mises au point » quotidiennes…
    bravo à lui, Homme, qui défend ce qui lui est juste et met de l’énergie à l’indépendance….
    et bravo à toi et vous pour tout cet amour…
    Ce sera le cadeau de ma journée…

    • Répondre Ritalechat août 27, 2019 à 7:47

      Merci à toi de me le dire, ça me touche beaucoup. À l’heure où les commentaires se font discrets, te lire me donne envie de continuer à partager.

  9. Répondre Caroline août 27, 2019 à 9:39

    Quelle belle déclaration et merci pour ces mots Camille ! En lisant ton post je regarde mon petit gars de 5 ans jouer avec ses petites voitures et je garde en tête ces mots pour profiter de ces moments où il vient blottir sa tête contre moi en l’imaginant jeune ado aux portes de ses 15 ans et en espérant que comme Sacha il fasse une force de ses différences !

  10. Répondre melanie août 27, 2019 à 3:46

    Olala Camille. Je pleurs en lisant ton article qui me parle si tu savais. Ma grande vint d’avoir 15ans et vis sa petite vis sans se soucier du regards des autres. Comme je l’admire pour celà. J’aurais adoré avoir 15ans avec une personnalité comme la sienne.
    Et son frère du haut de ses 13 ans qui est entre deux monde et qui grandit lui aussi, et avec qui j’ai pourtant du mal a le laisser faire ses choix..petit dernier ? Stress de maman qu’il reproduise les erreurs de son père? Et pourtant je sais qu’il est bien différent et que c’est un vrai gentil avec de bonne valeurs mais tellement sensible…
    Bref ce n’est pas facile de les accompagner dans cette phase et en même temps si valorisant de voir a quel point on s’est bien débrouillée encore plus en les élevant seule.
    C’est seulement maintenant en les voyant grandir que je souffle en me disant que oui j’ai assuré comme maman.
    Très bonne rentrée a lui.. et a toi😉
    Et merci pour la bonne humeur et les émotions que tu distilles ici et sur IG.
    Melanie

  11. Répondre Estelle août 30, 2019 à 7:55

    Camille, c’est beau.
    C’est beau parce que c’est vrai.
    Ce talent des mots….
    Envoles toi bien Sacha avec ton plumage d’adulte

  12. Répondre Lilou&Cie août 30, 2019 à 10:17

    C’est beau ton texte, écrit avec le coeur gros et des jolies plumes pour le bel oiseau. Des bises

  13. Répondre Odile août 31, 2019 à 6:05

    Un très beau texte pour un beau jeune homme. Bonne rentrée au lycée.

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