août 6, 2013

L’ENFANCE UNIQUE

J'ÉCRIS
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j’ai été enfant unique comme on fait un voyage. cette enfance sans frère ni soeur, c’est le pays que je connais le mieux.

je me souviens d’avoir été souvent perchée sur les épaules de mon père, des fêtes, des paellas. je m’endormais toujours n’importe où pendant que mes parents faisaient la fête dans le jardin. je me souviens d’écouter avec passion les adultes parler, de retenir et de répéter en fermant les yeux leurs paroles et leurs gros mots. J’ai été pendant longtemps l’enfant unique d’une grande maison de famille. La petite chérie, la capricieuse.

je me souviens d’avoir été heureuse, de jouer seule, d’avoir le temps pour moi en entier. de m’inventer un monde où je n’étais jamais dérangée dans les jeux. j’aimais me réfugier dans les jupes de ma mère et lui tourner le menton pour qu’elle m’écoute, moi sa toute petite.
je me souviens des chatons avec qui je jouais. je me souviens des caprices pour les chaussures neuves, des quatre mains qui me coiffaient. je me souviens d’avoir été au centre.

je me souviens des grains de raisins que je mettais dans son nombril. je me souviens de cette ambiguité. entre vouloir un frère et surtout ne pas en vouloir.

l’enfance unique a fait de moi une jeune femme qui découvre le monde avec appréhension. il arrive encore parois que je m’étonne de la foule autour de moi.
cette enfance a fait de moi quelqu’un d’incroyablement sauvage et sociable à la fois. j’ai dû apprendre les codes de la vie à plusieurs, j’ai dû comprendre que le soleil ne brillait pas seulement pour moi.
j’ai dû apprendre. à attendre. à ne pas toujours passer en premier. j’ai dû apprendre à devenir plusieurs, à me prolonger, en deux, puis trois, puis quatre.

je n’ai pas reproduit le même schéma. j’ai pourtant failli. lorsque je vois Sacha et Violette, se disputer, s’aimer, me partager, je me dis qu’ils visitent un autre pays que le mien.
souvent je me demande quelle aurait été ma vie avec un frère ou une soeur. quel aurait été mon caractère? quels auraient été mes jeux? y aurait il eut autant de pression sur mes épaules? impossible de le savoir et pourtant je ne cesserai jamais de chercher.

c’est peut être à travers mes deux enfants que j’entrevois ce qu’ aurait pu être cette autre enfance avec une fratrie. cet autre voyage. j’apprends ce pays étranger à travers mes deux enfants. je ne comprends pas encore tout. Il y a des coutumes apparemment, des habitudes.
parfois je m’agace lorsqu’ils font bloc contre moi, eux deux face au monde entier. parfois je souris lorsqu’ils sont si complices. j’ai peur aussi de les voir se disputer, je me demande s’ils s’appelleront  quand ils seront vieux? mais ce qui se détache c’est que j’ai donné à l’un et à l’autre la possibilité de ne pas être seul le jour où moi j’arrêterai d’être là pour eux. c’est un peu idiot, c’est encore nombriliste mais j’avais tellement peur enfant de ne pouvoir compter sur personne si mes parents partaient.

je les regarde et je cherche ce lien, au delà du sang et des ressemblances, ce lien pur, est il douloureux parfois?
je ne saurai jamais. mais je mesure à quel point avoir eu une enfance unique a modelé ma vie.

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12 commentaires

  1. Répondre Anonymous août 6, 2013 à 1:15

    Très bien écrit…très beau.

  2. Répondre the blue school août 6, 2013 à 1:46

    oh Camille comme tout cela résonne en moi, oui enfant unique ou faire partie d’une fratrie, ça change la donne, mais qu’est ce que cela aurait changé pour moi…

  3. Répondre Wafa août 6, 2013 à 2:05

    Mon homme ne voulait qu’un enfant pour moi c’était impossible. J’ai eu des hauts et des bas avec mon frère et ma soeur mais je ne suis pas seule face aux pbs on fait tj bloc. Et c’est peut-être bête mais le fait d’avoir eu des enfants tard me conforte encore plus ds l’idée qu’il fallait au moins qu’ils soient 2. Tous mes collègues sont enfants uniques et bcp ont eu (pas par choix) un enfant unique et les voir aujourd’hui à l’âge où leur parents sont malades être seuls je trouve ça dur.
    Et puis pour parler de choses positives même si les miens se chamaillent souvent car ils n’ont que 17 mois d’écarts, je fonds devant leur complicité naissante, les éclats de rires et les bêtises partagées.

  4. Répondre Lace factory août 6, 2013 à 2:06

    Encore un texte qui me donne des frissons.

  5. Répondre Pascaline Charrin août 6, 2013 à 2:28

    Magnifique ! Nous étions deux, mais nous avions 10 ans de différence, et j’ai souvent eu l’impression d’être élevée comme une enfant unique car il est parti très tôt vivre sa vie. A la lecture de cette note, j’ai l’impression d’avoir vécu un peu de vos deux mondes à tous les 3. 🙂

  6. Répondre Charlie Les Yeux Bleus août 6, 2013 à 5:51

    J’ai un jumeau, je pense donc qu’il existe un 3ème monde 🙂
    Qu’est ce que tu écris bien Camille <3 <3

  7. Répondre levanitydelisea août 6, 2013 à 5:54

    Oh mais c’est chez moi ça 🙂
    Très bien écrit, comme d’habitude…

  8. Répondre sunnyrève août 6, 2013 à 7:42

    Oh que j’ai pleuré en lisant ton texte Camille, il parle de toi et pourtant si bien de moi…Cette enfance radieuse, choyée au milieu des adultes, avec les chats, les jeux qui duraient des heures…Et ce lourd fardeau d’être l’UNIQUE, cette angoisse sourde de savoir qu’un jour ils partiront…Les mots que tu as choisi son si justes…maintenant il me reste comme toi à découvrir la fatrie à travers Sunny et ses frères et soeurs…

  9. Répondre day morgane août 6, 2013 à 11:11

    très beau texte Camille comme toujours…

  10. Répondre Lalaborigène août 7, 2013 à 11:27

    C’est bien vrai tout ça et très bien écrit, mais j’ai une grande sœur de 2 and 1/2 de plus que moi et nous sommes pas proche du tout, on a rarement jouer ensemble… Alors parfois je me demande comment aurait été mon enfance avec une « meilleur amie: ma sœur »…

  11. Répondre Sophiefromthetrain août 7, 2013 à 11:30

    tu as les mots et je me sens moins seule en les lisant, merci…

  12. Répondre Emilie août 7, 2013 à 7:05

    Je termine ce joli article avec la larme à l’oeil…
    Moi même enfant unique, j’ai vécu une enfance différente de mes ami(e)s qui étaient entouré(e)s de fréres/soeurs. Et je pense que cette « particularité » m’a permis d’être celle que je suis. Mais cela m’a aussi fait souffrir.
    Tout comme vous, j’ai très peur d’être confrontée au départ de mes parents. Eux, ils ont vécu leur enfance entourée de frères et de soeurs. Aujourd’hui, ces freres et ces soeurs sont source de conflits. Alors ils pensent m’avoir fait un cadeau: « tu n’auras pas des soucis plus tard, tu ne sais pas la chance que tu as d’être fille unique ». Oui, ils ont fait leur choix selon leur vécu. Moi je me demanderais toujours: « c’est quoi une soeur? »; « c’est quoi un frére? ». Et je n’ai que les rêves pour trouver une réponse et imaginer les relations que j’aurais pu avoir avec des personnes qui auraient les mêmes origines que moi.
    Maintenant, à 22ans, j’ai le droit de choisir l’avenir que j’ai envie d’écrire. Je vois la vie colorée de rires et d’enfants…

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