Ça a commencé sur le quai de la Gare de Lyon. Juste en arrivant. Chargée de mes petits et de tous nos bagages, avec la furieuse envie de m’asseoir et de fumer la cigarette d’après train. Je suis partie du mauvais côté. Au bout de quelques mètres j’ai fait demi tour en me trouvant un peu idiote. Tu n’avais pas vu que tous les voyageurs allaient à contre sens ? Aurais tu perdu l’habitude de suivre le mouvement, de couler avec tous ces gens le long des couloirs de métro et des grandes artères ? Tous bien rangés. A droite de l’escalator pour laisser passer les pressés sur la gauche.
Ici je marche au milieu.
Petit à petit j’ai retrouvé de sensations. Le silence de quelques secondes au milieu d’une conversation pour laisser passer les sirènes hurlantes du camion de pompier. Les zig-zag en riant pour éviter milles choses sur le trottoir. La foule, le bruit. Les bribes de conversations qui s’enchainent en marchant et dont on ne connaitra jamais la fin. Les annonces dans les micros, le bip à la caisse. La machine qui crache son carnet de dix. Attention à la marche en descendant du train.
Ici personne ne me parle au micro de colis suspect.
Et puis l’odeur de mon ancien hall, mélange d’encaustique et de vie de quartier, l’interphone récalcitrant, le cliquetis de l’ascenseur. Les bras de l’homme qui nous accueille, les traces au crayon gris et la taille des enfants. Les toits d’aciers et de tuiles de notre sixième étage. Et le parquet que j’aimais tant.
Ici je n’ai pas de point de Hongrie.
Les africaines, leurs cheveux nattés et leurs ongles écarlates, les asiatiques qui marchent vite, les pakistanais souvent à deux ou trois. Le patron du café et cette femme superbe. Les ados qui squattent le square, comme pour se souvenir de leur enfance. Ceux qui remplissent leurs vies chez Merci, ceux qui ne demandent qu’à remplir leurs estomacs assis sur des cartons. Tous ces gens là. Toutes ces couleurs. Ceux que je ne voyais pas avant parce qu’il étaient si nombreux.
Ici, les gens ont parfois un peu peur de mélanger les couleurs.
Vingt et un mois. Nous sommes partis depuis si longtemps. Depuis si peu de temps. J’ai effacé tout ce que je n’aimais pas. Je ne reviens pas assez pour me souvenir de tout. Je ne reviens jamais assez longtemps pour recommencer à désaimer Paris. Je me trompe de sens maintenant, je ne sais plus s’il faut que je monte à l’avant ou à l’arrière du train pour gagner du temps à la sortie. J’ai perdu quelques réflexes, j’ai gardé mes amis.
Paris n’est plus une course. Elle est juste la somme de mes souvenirs.
Ici je m’en construis d’autres. Moins serrés, plus fleuris, moins bruyants, plus libres, moins cirés, plus détendus, moins cosmopolites, plus ensoleillés.
Quelle étrange sensation d’être si viscéralement attachée à cette ville que j’ai tant détesté et tellement aimé.
Un peu lorsque l’on quitte un amour…
*** En photo, Violette et moi ce week end dans le train pour Paris. J’aime beaucoup cette photo et comme un clin d’oeil, je la retrouve sur cette image aussi petite que lorsqu’elle a appris à marcher sur le Boulevard Sébastopol… Je vous souhaite une belle semaine et je vous embrasse. ***
16 commentaires
C’est vrai que tout va vite et que tout est bruyant à Paris!
J’espère que l’on aura l’occasion de te croiser lors d’une de tes prochaines escapades.
Bises.
Merci pour ce joli billet, j’adore te lire.
Je suis en phase de désamour avec Paris, je deteste tout, je voudrai prendre le large, poser nos valises au soleil, l’envie de tout quitter est là depuis qu’elle est née. On saute le pas, on s’en va, dès qu’on pourra … Mais je suis sûre que je l’aimerai toujours, j’ai hâte d’être à nouveau une touriste dans cette folle ville que j’ai tant aimé.
J’ai quitté Paris il y a 15 ans alors que j’y suis née, je ne supportais plus rien de cette ville qui m’a pourtant tellement plu à l’adolescence!
Au début, j’y revenais avec un peu de dégoût…la foule, le bruit, le métro, les gens que je trouvais pressés, individualistes et avec tous les défauts du monde.
Depuis 2/3 ans, je reprends plaisir à faire des escapades entre filles, avec mes enfants et mon mari,bref, je vois la ville différemment, je suis devenue une touriste et j’apprécie tous les aspects positifs de cette ville magnifique que je redécouvre.
Moi aussi, je suis souvent en décalé quand je reviens à Paris mais je crois que, maintenant, ça me plaît!
moi j’aime cette sensation quand je te vois, celle d’avoir l’impression que tu as toujours été là, comme si tu n’étais pas partie, que je venais déjeuner chez toi avant-hier et qu’on prenait un café hier…
tu es tellement belle sur cette photo …
bises !
Tes mots sont si juste… Je n’aime autant Paris que depuis que je n’y vis plus ! On a besoin de notre shot de capitale régulièrement, où on profite bien plus de celle ville fabuleuse que lorsque l’on y vivait: les expos, les jolies rues, nos restos préférés, les amis. Et on lâche toujours un grand soupir de soulagement quand on reprend le TGV Gare de Lyon 😉
je ne connais Paris que de part ses beauté a voir maintenant les seules fois ou je m’y suis rendu le métro, la foule, le bruit la vitesse m’ont tellement déstabilisée moi venant de ma Normandie perdue!!!! mais j’aime y aller cette ville est trop belle!!!!!
bises
Merci pour cet article, vous écrivez tellement bien !!! Je me retrouve dans tous vos mots/maux… Vous avez fait les bons choix !
rohhhhhhh comme c’est bon de te voir …. c’est comme si tu n’étais jamais partie
Je sais aussi que tu vas repartir vers ton Sud mais que tu vas revenir nous faire des bisous et nous inonder de tes éclats de rire .
Le texte résume tellement bien ce qu’on ressent pour Paris : on l’adore et en même temps, on peut la détester … mais jamais définitivement !
Qu’est ce que j’aime quand tu parles de Paris. Tu en parles si bien. Et je me retrouve tellement dans ce que tu dis. Pourtant, je n’ai pas vraiment quitté Paris, pas en vrai du moins. Dans mon esprit oui. On la cherche encore cette porte de sortie qui nous permettra de regarder Paris différemment, d’éprouver cette point de nostalgie sur certains éléments de notre quotidien, tout en mesurant notre chance de gouter enfin au temps suspendu
J’aime beaucoup la façon dont tu écris! 🙂
C’est tellement tout ça ! Je n’avais jamais remarqué qu’effectivement on interrompt nos conversations pour laisser passer les sirènes. Quel bonheur de lire ces choses de la vie si bien écrites!
Comme je me retrouve en lisant tes mots …. Pourtant nous sommes plutôt en grande couronne parisienne pour échapper a tous ces inconvénients de la vie parisienne mais finalement c’est la même vie aussi stressante et bruyante, nous rêvons de partir mais le travail nous lie corps et âme a Paris …. Très jolie photo 😉
Zut on voit pas mon petit cœur ?!!!
Bisous