Dans mon jardin il y a tout ce que je vois. Une assiette du mariage, cassée mais que je ne veux pas jeter, des tomates en grappes, toutes petites et pourtant prometteuses. Un massif piquant de cactus dont je ne connais pas le nom. Des toiles d’araignées cachées entre les pousses et des escargots en forme de coquillage.
Il y a tout ce vert et si peu de fleurs que chacune qui pousse est notre trésor. Il y a ma place sur la restanque de pierre chauffée par le soleil timide encore. Il y a le bruit des oiseaux et l’ écureuil qui nous a bouloté toutes les amandes.
Il y a des champignons sur les bacs du potager, des milliers de pousses de micocoulier. Cette lavande trop vieille mais si belle et si généreuse.
Les jouets des enfants qui trainent, la cendre des branches brulées et qu’il faut vider, les feuilles qui se transforment en terre dans le compost et le laurier rose taillé n’importe comment. Il y a les petits radis tous ronds et les fraises biscornues, les abeilles, précieuses et discrètes. Cette souche d’un arbre que l’on a pas connu et les fantômes de ses racines qui nous font parfois trébucher.
La mousse, les pierres sèches, les larves de cigales qui couvent quelques part à l’abri pour éclore bientôt. Les herbes qui percent les murs comme pour dire. Je vis, je vis, regarde moi.
La terrasse un peu rugueuse et la citerne transformée en piscine. L’herbe folle qui n’est pas du gazon mais si fière qu’elle se prend comme telle. Les pots fendillés, les olives qui tombent…
Dans mon jardin il y a tout ce que je vois. Tout ce que tout le monde peut voir en ouvrant grand les yeux. Et il y a tout le reste. Tout ce que je vois en ouvrant grand le cœur.
Mes peurs évadées, restées à à la porte d’Orléans sur le périphérique. L’espoir de voir mes enfants heureux, libres et les joues rosies de chaleur.
Mes plus grandes crises de larmes à l’abri des hauts plants de tomates ou cachée derrière le lierre et le yucca. Mes infinies prières au ciel et aux étoiles pour que tout mon monde reste en bonne santé.
Il y a eu mes clopes d’ hiver et déété, il y a maintenant mes riens du tout mais tellement plus efficaces. Mes méditations et mes plans sur la comète.
Il y a au détour du petit chemin de lavande mes pas de danse de nouvelle mariée et quelques uns de mes plus grands fous rires. Le souvenir des chamailleries des enfants et les couleurs éclatantes de leurs enfances.
Quelques siestes crapuleuses et des déclarations d’amour. Il y a l’espoir que pour nous et pour ceux que j’aime tout aille bien. Toujours.
Il y a mes silences et mes colères terribles. Mes craintes pour demain et les nouvelles du monde. Il y a mon regard au loin et mon café du matin, assise sur un bastaing le nez sous les radis. Mes envies de voyages et de forteresses imprenables. Mes petites joies, mes grandes victoires. Mes ramassades aussi. Il y a notre vieux poisson rouge et un chaton de Kate. Invisible là, juste sous les lilas.
Alors ce petit bout de chez moi m’est précieux. Il est bien au delà de trois bacs de potager et d’un cèdre du Liban qui penche.
Et quand je mets les mains dans la terre humide je sens vibrer une à une chacune de mes cellules. Elles semblent me dire :
« Tu es chez toi ici. Cette terre c’est la tienne. »
Et comme une Scarlett O’hara des temps modernes le rose me monte aux joues et je pourrais bouffer le monde.
Je laisse ici trop de photos, faites en ce qu’il vous plait. Et je vous embrasse
Camille
(Un baiser spécial pour ma grand mère Khâ et ma mère. L’une m’a donné le nom de fleurs et l’importance d’avoir une terre, l’autre inlassablement m’a montré le chemin pour l’apprivoiser et la faire belle.)
13 commentaires
Chère Camille,
C’est bien au contact de la Terre et de la Nature que poussent les graines semées dans le terreau de nos coeurs…
Joli texte .
Bonne soirée
Scarlett O’hara ! Wahou ! J’aime reprendre le cours de tes billets, toujours aussi puissants et sereins à la fois.
“La terre est le probable paradis perdu.”
Federico Garcia Lorca
On croit avoir des semelles de vent, et puis, un jour, on pose ses valises. En regardant autour de moi, je me dis que le paradis est là, dans cette terre qui voit grandir mes enfants et que je leur emprunte.
Ouahhh tu as su trouvé les mots pour exprimer ce que je ressens dans le jardin de mes parents, là où je suis née, cette terre qui a vu mes premiers pas et tellement d’autres premières fois.
Un petit bout de terre peut tellement apporter!
Merci pour cet article qui m’a fait beaucoup de bien.
Douce soirée
*Laura*
http://un-instant-de-bonheur.blogspot.fr
L’un de tes plus jolis billet!!!! Et des photos comme ça il n’y en a jamais assez.
Pfiou, que c’est joli… :-*
Sylvaine
Hoooo comme c’est joliment écrit la vie, chez toi, dans ce petit bout du monde que vous avez trouvé pour toi et ta famille
merci pour ces belles phrases et ces jolis mots, j’ai aimé du premier au dernier de ces mots là
Dit, je pourrais te demander un peu de soleil, sur la rp il manque grave
bises
Super joli tout ça, ces souvenirs et ces mots. J’espère voir dans quelques temps autant de belles choses dans mon tout récent jardin que j’apprivoise petit à petit!
Piouf… Comme tu écris ! Je suis sans voix, mais remplie.
Très joli billet ! Merci !
C’est beau…
Waouh !!!! Quel beau texte !!!!!!!
Sais-tu que je suis passée près de chez toi la semaine dernière et que j’ai eu une pensée pour vous. Nous avons passé une superbe semaine dans la Drôme et avons poussé jusqu’à Uzès le temps d’une journée, puis jusqu’à Montpellier.
Bisous ensoleillés