PIERRE FEUILLE CISEAUX

J’ai tant marché. Mes jambes engourdies se sont réveillées et se sont souvenues du pavé parisien. Monter, descendre, composter, attendre…

Quatre jours pour tout faire, quatre jours de soleil et de froid sec. De celui qui fait un peu couler les yeux et gerce les lèvres.

Nous sommes venus à la belle période. Celle où tout brille et où tout est joyeux. Celle où ça grouille dans les rues et où l’on se pose pour boite un thé en se réchauffant les mains sur la porcelaine d’une tasse ciselée.

J’étais venue avec toute ma laine,  chargée de mon travail qui se terminait enfin. J’étais impatiente et un peu inquiète. Parce qu’avant je n’avais jamais fait ça.

Et comme par magie tout qui s’anime, qui prend forme et qui nous réjouit. Encore un peu de patience pour voir le résultat final.

Quatre jours à prendre des nouvelles des enfants. À me repasser en boucle la petite vidéo qu’ils nous ont envoyée.

Nous sommes arrivés dans notre grand appartement tout vide en entendant encore leurs jeux et leurs éclats de rire, leurs pas sur le parquet. J’ai caressé les traces aux crayons gris sur l’arête du mur. Des traits et des dates. 132 cm en tassant les bouclettes…

J’ai ri, j’ai tellement ri. Je me suis souvenue, j’ai pris dans mes bras, j’ai murmuré « Je t’aime tu sais ? ».

J’ai pesté contre les gens qui ne me tenaient pas les portes, j’ai engouffré des cannelés et des salades César, j’ai choisi des cadeaux et hésité sur la couleur des bottes. J’ai enroulé des écheveaux de laine, en imaginant mes prochains ouvrages.

Et ce matin dans le train du retour, j’ai le cœur qui bat vite. Trois cent kilomètres à l’heure pour les retrouver.  Tous les deux côte à côte. On rentre les petits. À l’heure pour l’école, à l’heure à la crèche. On veut nos retrouvailles et  des baisers dans vos cous.

On se chamaille pour savoir qui ira vous chercher ce soir.

« C’est moi ! »

« Ah non c’est moi ! »

« Tous les deux ? »

On a qu’à décider à Pierre, Feuille, Ciseaux…