Lorsque nous avons déménagé il y a quatre en décidant de changer de vie et de région, j’ai eu le temps de prendre mes marques et puis j’ai très vite eu envie de retravailler un peu à l’extérieur. Mon travail de rédaction et de diy à la maison me prend du temps mais il fallait que je « vois du monde ».
Certains le savent déjà mais je travaille deux heures par jour dans une petite école près de chez moi, je mange avec les enfants et ensuite nous jouons ou nous faisons des ateliers… Pour l’instant nous profitons des derniers rayons de soleil en leur faisant des blagues, des tresses et en les départageant au foot. C’est cool comme boulot vous ne pouvez pas savoir.
C’est ma quatrième rentrée dans cette minuscule école et je n’en changerais pour rien au monde. J’ai même mis des coeurs autour du nom de ma chef sur ma demande d’affectation pour qu’à la mairie ils ne nous séparent pas. Je sais pas, les petits coeurs et les soleils ont du marcher, je suis toujours au même endroit, à suivre les enfants, qui comme des cabris passent de classes en classes années après années…
J’avais raconté l’histoire de J. l’année dernière un peu à la même époque. Et ce soir j’ai envie de vous en raconter une autre. Celle de S., que je connais depuis le début et qui était en CP lorsque j’ai démarré. Cette histoire m’a touchée jusqu’aux larmes et elle nous rappelle tant que les coeurs des enfants vibrent à tout rompre, qu’il faut parfois s’arrêter une minute et les regarder respirer. Ils nous apprennent tant.
S. n’habite pas le quartier, il n’a pas de mur en pierre sèche, ni de piscine, ni de jardin comme la plupart des enfants de notre quartier des collines, mais la maman de S. a réussi a le scolariser dans cette petite école. Il est différent, il n’a pas les bonnes baskets mais il est beau, musclé, super bon au foot et au diabolo et surtout il s’est beaucoup assagi. Le papa de S. habite loin et ils ne se voient que pour les grandes vacances. À la rentrée S. est arrivé de Bretagne avec un diabolo que son papa lui avait acheté. Il était fier, vous ne pouvez pas savoir, il en joue comme un dieu et en bouche un coin à tout le monde dans la cour. S. est fier, en quatre ans je ne l’ai jamais vu se plaindre ni pleurer, il a toujours son regard beau et droit et ses cheveux forment des boucles blondes et drues quand il les laisse pousser un peu.
La semaine dernière S. s’est enfermé dans les toilettes. Ses copains sont venus nous avertir qu’il pleurait parce que C. avait cassé son diabolo. On s’est toutes levées d’un bond. S. qui pleure ce n’est pas anodin. Céline, (ma chef avec les coeurs autour) a réussi à le tirer de sa cachette, pendant que je réparais son diabolo et doucement j’ai pu croiser ses yeux pleins de larmes. Il est en CM1, il est grand, mais j’ai senti qu’il était bouleversé.
« C’est fini regarde, il est comme neuf, ce n’était rien, il est réparé, sèche tes larmes mon grand. Tu as besoin d’un câlin pour aller mieux? »
Je ne m’y attendais pas mais ce grand gosse si fier s’est jeté dans le creux de mon cou pour y enfouir ses dernières larmes. Il avait la maladresse qu’ont les enfants qui poussent un peu seuls, il est resté longtemps, là à faire s’enfuir le souvenir de son diabolo cassé, son cadeau précieux, son père si loin, le trésor de son été abîmé par la rudesse d’un autre… Parfois on se jette à coeur perdu sur une épaule, un peu maladroitement, comme on cherche de l’aide sans vouloir la demander vraiment. Je suis heureuse d’avoir été cette épaule là.
Aujourd’hui il est venu nous montrer une nouvelle figure, elle était dingue, il était heureux… Juste pour ça j’aime ce tout petit boulot de deux heures de rien du tout. Il compte beaucoup pour moi. Tient c’est marrant, je n’avais pas lu les lignes que j’avais écrites l’an dernier à propos de mon travail à l’école. Je termine de la même façon pourtant. Comme quoi…
J’aime beaucoup laisser ici ces bribes d’histoires. J’en ai vécu une très forte aujourd’hui avec un petit gars qui nous arrive de Tahiti. Il va falloir que je vous la raconte une prochaine fois.
Je vous embrasse.
Camille
24 commentaires
Quelle belle histoire !! Ces gamins sont magiques et bouleversants surtout quand ils font les fiers !
Je viens de relire l’histoire de J mais que Violette à grandi !!!
Oh ton histoire de petit S. m’a fait pleurer. Tu as raison, lorsque l’on prend le temps d’observer les enfants on en prend plein les yeux et le coeur …c’est magique.
J en ai les larmes aux yeux ! Quelle chance ont ces petits de Faire partie de votre vie …
C’est beau!
Et ça me rappelle combien j’ai aimé travailler avec les enfants, même si c’était chez moi, même si parfois c’était épuisant.
Avec les gosses il y a de la vérité, on ne peut pas tricher sur qui nous sommes vraiment et ça remplit le cœur autant pour celui qui donne que celui qui reçoit.
Magnifique histoire…. Et quelle chance a eu S. de recevoir tant de tendresse en réponse à son chagrin. ..
Il est 6h05, j’attends mon train et oh la la j’ai les larmes aux yeux…elle me touche ton histoire…je vais prendre le travail avec le coeur tout gonflé.
Dans les souvenirs d’école ceux du midi restent de très beaux moments de vie et je peux te dire que c’est aussi grâce aux personnes comme toi, celles qui donnent tant de joie aux enfants dont elles s’occupent si bien!
ah la la… comme j’ai vibré sur ton épaule moi aussi…
Hier j’ai consolé Y. qui a tellement eu faim longtemps qu’il ne comprenait pas pourquoi M. venait dire de lui qu’il lui avait volé son goûter…un goûter qui trainait, il était forcément oublié et il fallait vite le manger pour ne pas avoir faim ce soir…
j’ai expliqué à Y. qu’ici il n’aurait jamais faim, que la vie n’était pas toujours pareille et que les goûters ne seraient pas tous les siens…. et quand il a eu fini de pleurer, avec un sourire dans les yeux, il m’a demandé: « toi aussi tu as mangé les goûters des autres avant? » … comme si pour le comprendre, comprendre sa différence, il fallait que j’aie aussi vécu dans la rue… alors c’est moi qui ai mis ma tête sur son épaule… et j’aurais eu envie d’une Rita ….
belle journée à vous toutes…
Je souhaite aux enfants d’avoir toujours une épaule comme la tienne quand ils sont besoin d’un câlin. Bisous ma douce.
Très belle histoire, merci Camille.
LOVE pour lui, pour toi, et pour les épaules.
Une très belle histoire… Il me tarde de lire celle de cet enfant qui arrive de Tahiti.
Belle journée à vous
Ahhh j’ai pleuré
Gros bisous a S et un spécial pour toi, tu es géniale !
Merci …………..
Bah j’ai l’oeil qui brille et le coeur tout mou maintenant…, c’est malin tient!
Ça m’a toute chamboulée et ça m’a rappelé mes p’tits loups du centre aéré, de mes midis en maternelle…, de ces moments précieusement simples et bons. Bravo pour la réparation, une diaboloteuse ça peut toujours servir!!! <3
Il a de la chance ce petit S. d’avoir une épaule pour pleurer. Je vis moi aussi de jolis moments a l’école Même Si ce n’est qu’une Journée dans la semaine.
Bonne Soirée
Chloé
Votre post m’a fait pleurée.
Et j’ai pensé à mon tout petit qui est rentré pour la 1ère fois à l’école il y a quelques semaines. J’espère que le midi il croisera beaucoup de personnes bienveillantes comme vous pour rendre plus douces ses longues journées à l’école.
pleurer et non pleurée…
Ton histoire est si jolie <3
On a juste envie de te dire merci <3 merci pour tant de bienveillance, et aussi de repenser au réconfort que tu as dû apporter à ce garçon encore petit <3
Mère Rita, racontes nous une histoire!
Merci pour ces mots et pour ces enfants 🙂
Un peu de cette bienveillance au collège ce serait bien aussi…
Bisous
C’est tellement touchant! Quelle jolie histoire, en même temps tu dois être super avec les enfants
Elle est bien jolie cette histoire, et contre toute attente elle m’a aussi tiré des larmes… J’ai eu l’occasion de travailler avec des enfants, c’est souvent merveilleux (et cette école au milieu des collines a l’air drôlement chouette, mais ça n’est pas celle de Violette ?)
Raconte encore !!!
Quelle douceur dans tes mots… et dans tes câlins !