Je t’écris pour te raconter ce moment passé dehors à tailler nos lilas. Violette jouait à l’intérieur avec Sacha, on les entendait se marrer et se chamailler comme à leur habitude.
J’ai sorti l’escabeau et Rodolphe a dit: Tu ne vas pas monter là-dessus avec tes sandales si? Il savait déjà que j’allais lui répondre en haussant les épaules
Il y en a deux principaux et plein de petits rejetons qui donnent déjà de belles grappes. Je ne sais pas depuis quand ils sont là mais surement bien avant nous et avant les anciens propriétaires encore. Il couvrent tout un mur de pierres sèches et montent très haut.
Je ne suis pas bien grande et j’ai vite cédé ma place sur l’escabeau pour couper les branches les plus hautes. Elles tombaient les unes après les autres et avec mon petit sécateur j’ai préparé des bouquets.
Les fleurs embaumaient. J’ai fermé les yeux. Ici tout est si calme et pourtant notre terre fait sa révolution. Malgré le chant des oiseaux de printemps j’entends la grogne du monde. Qu’auras-tu à me raconter, toi ma petit fille de cette terre que l’on t’auras laissé? Connaîtras-tu cette maison d’où je t’écris, ce petit bout de terre qui est mien et où nous avons vu grandir deux enfants? Arriveras tu à nous pardonnerpour tout ça? Aura-ton fini par comprendre? Tiraillé entre notre confort, nos besoins, le système qui nous entraine et qu’il est si dur de contrer? J’ai fait de mon mieux tu sais? Chaque jour du mieux que je pouvais.
J’ai aligné les bouquets de lilas et j’ai pensé à la future toi. Leur parfum au lieu de me ramener à mon enfance m’a propulsé vers la tienne. Bien sûr je ne m’aime pas sur les photos, on ne s’aime jamais là tout de suite. Mais peut-être qu’avec le temps tu diras « Qu’elle était belle ma grand mère ». J’étais heureuse à cette période. Je réfléchissais beaucoup. Je regardais grandir ta mère en essayant de lui donner beaucoup de force pour cette vie qui l’attendait.
Pour le moment nous étions seuls tous les quatre au milieu d’un monde replié. Nous étions des milliards et nous étions si seuls. Et pourtant il me semblait que le coeur du monde battait à travers mes bouquets. Et que nous pouvions tous l’entendre.
Peut-être l’entends tu encore de là?
14 commentaires
Une beauté ce texte…
A votre image.
Un bonheur de vous lire chaque jour!
Fragilisée par une énième remise en question de couple face à notre multi dys,
quelques larmes sont montées. Que j’aime vos mots.
C’est magnifique. ❤️
Sublimes ! Tes mots, ta façon de ressentir le monde, tes bouquets, toi !
Je l’imagine déjà ta belle fille se délecter de ces mots si justes. Et cette dernière photo de toi, qu’elle est belle !!
Tes mots. Et ta fossette !
hihih cette fossette! je ne la vois même plus!
Quel plaisir de découvrir tes mots ! Et quel superbe album tu lui laisses à ta petite-fille ! Porte-toi bien, ainsi que les tiens.
Merci Manuella!
Magnifique texte, vous êtes très belle Camille, vous laisserez de beaux souvenirs à vos petits enfants. Bonne journée à vous
merci d’avoir pris le temps de me laisser un petit mot Odile. Très belle journée.
Tellement jolis ce texte, ces photos, ces fleurs, cette (future) grand mère dont on rêve tous ♥️. Douceur c’est ce que l’on vient chercher chez toi Camille et on le trouve toujours….
Quelle magnifique texte Camille et tu es très jolie, tes photos comme ton texte sont doux, remplis de poésie.
Tellement hâte de lire ton roman 😉 Je suis toujours tres émue en te lisant.