avril 13, 2020

Chronique familiale d’une pandémie #10

Chronique pandémie
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Comme D’habitude si vous avez envie de lire le début, toutes les chroniques sont rangées ici.

Vendredi 10 avril. 27 ème jour de confinement.

Tout se mélange. Je ne sais pas quel jour on est. Chaque matin en me levant je regarde si le soleil est au rendez-vous. Il l’est, il est midi et demie. Je suis épuisée. J’arrive à travailler un tout petit avant de me recoucher.

Je suis en colère intérieurement contre cet état de léthargie. Bien évidemment tout ressurgit et les miens prennent chers.

J’ai fait un post sur insta qui a été mal pris par certaines. Je me suis surement mal exprimée, ça arrive et ça m’apprendra à écrire en semi coma post covid. Je note quand même que le droit à l’erreur est mince sur les réseaux. Tu te plantes, tu donnes ton avis, on ne te loupe pas. Ce n’est rien à côté de tous les partages, du soutien et de la communication quasi quotidienne que j’ai avec tant d’autres.

Je sens que Rodolphe est inquiet pour son travail. C’est assez déstabilisant parce qu’il est le garant de l’optimisme de notre foyer. (Moi je suis la garante de l’anticipation.) J’ai la sensation depuis le début du confinement que les enfants ne retournerons pas à l’école et que les tournages ne reprendront pas avant septembre. Rod ne veut pas y croire. J’essaie de m’accrocher à ses pensées positives.

On apprend que Lolapalooza sera annulé pour cette année. Nous devions y voir Billie Eilish, Sacha, vivi, Lenny et moi. Petit à petit 2020 s’efface, s’oublie, se replie.

Sur instagram je découvre que ma fleuriste a pris le parti d’aider les producteurs en faisant une petite vente de pivoines. J’en rêve.

PS: malgré mes baisses de forme, nous allons tous bien.

Samedi 11 avril. 28ème jours de confinement.

Ce n’est pas la folle saison des contrats mais je m’offre ce cadeau. Seize pivoines corail. Je me suis levée avec une seule idée en tête. Appeler et réserver mon bouquet.

Coco nous fait la fête et nous lui donnons des minis croquettes pour la première fois. Cette chatte est un amour. Je suis préocupée par l’absence d’Harry qui nous boude très fort. Il a la même réaction que lorsqu’il est revenu chez nous après dix jours d’errances autour du CHU à l’autre bout de la ville. Quand il rentre il a cette tête qui semble nous dire: Mais qu’est ce que vous avez foutu bordel? On était pas heureux comme ça? Bon évidemment je m’en veux. Mais j’ai bon espoir, au fond de moi je sais que tout ira bien.

J’ai cueilli les lilas. Il y en as partout, j’ai rempli tous les vases de la maison. C’est étrange car je suis globalement très heureuse de la configuration de mon confinement: nous nous entendons tous bien, nous nous aimons. Nous ne manquons de rien, nous avons les soucis que beaucoup ont, ni plus ni moins. Et pourtant la tristesse me surprend souvent. La mélancolie qui est mienne ressort souvent. Je laisse cet état me traverser sans qu’il ne m’affecte trop et je suis assez fière de ça. Je sais qu’il en ressortira quelques chose de bon.

Pour la première fois depuis des années, j’étends un plaid au soleil. Je cale deux coussin sou ma nuque je soulève ma robe jusqu’aux cuisses et je lis. Le livre en l’air à bout de bras pour me protéger du soleil. Je ne fais jamais ça. Je ne lis plus jamais que les trois pages qui m’endorment inévitablement à plus de minuit. Lire n’est plus une priorité. Instagram a remplacé les romans. je le regrette beaucoup, j’en m’en veux mais si je sais que cela ne sert à rien. Au lieu de me lamenter je décide de changer ça. Je savoure chaque ligne à contre jour de ce soleil qui caresse mes jambes. J’avance plus en un jour sur la lecture de mon livre que sur ces derniers mois. Ce moment m’a rendu très heureuse.

Attestation en main nous décidons de sortir marcher tous les quatre dans notre chemin. Il y a environ 0% de chance que l’on tombe sur un contrôle de police dans nos collines mais nous obtempérons. Nous n’avion pas marché 20 mètres que Sacha se tortille de douleur. Il se gratte comme un fou. Urticaire géant, je file à la pharmacie. Première sortie familiale sous autorisation depuis le début du confinement: 15 minutes et demi tour. L’univers nous envoie un putain de message pou je ne m’y connais pas.

Je couple la sortie à la pharmacie pour déposer un bouquet de Lilas à mon Émilie. Je sais qu’elle les aime et ce bouquet est devenu une tradition. On a envie de se serrer dans les bras. Mon amie précieuse… bientôt. Si je pouvais j’irai aussi apporter un bouquet à mes parents, mais ils habitent trop loin. Cette période où 18 km sont trop loins…

Je couds un peu ce soir, il est déjà si tard. Nos vies sont désormais à cheval entre le jour et la nuit.

Ps: tout le monde va bien et je compte les jours pour que les miens ne déclarent rien après moi.

Dimanche 12 avril. 29 ème jour de confinement. Pâques.

Nous aurions dû être à Ste Maxime comme chaque année chez Ingrid et Alain.. Violette me l’a rappelé hier. C’est la première fois que je me dis: nous aurions dû être ici ou là. Et oui! Aujourd’hui nous aurions quitté ma tante pour rejoindre Fréjus et y passer quelques jours avec les enfants et mes parents. On se faisait tous une joie.

Mais peu importe. Nous allons fêter Pâques en petite famille. J’avais acheté très peu d’oeufs la veille du confinement, depuis un an ou deux on limite vraiment les chocolats et je leur fais quelques cadeaux. Là je n’avais rien à leur offrir alors j’ai cousu deux pochons lapins dans lesquels j’ai glissé un billet. Ils ne pourront rien acheter dans l’immédiat mais ils étaient heureux d’avoir un peu de sous mes gosses. La chasse a duré cinq minutes, nous avons mangé tard… Nous nous étions dit : aucune pression pour ce repas, on mangera quand on mangera. Une côte de boeuf, des oeufs mimosas, quelques asperges et leur mousseline, des haricots plats et des fraises plus tard il était 14:30 et on avait bien mangé.

Ce soir alors que nous autorisons le reste du temps les enfants à veiller, nous leur avons demandé d’aller dans leur chambre pour la soirée. Je voulais regarder un film seule avec Rod. Nous retrouver. Sur les conseils de Céline nous avons regardé 7. Koğuştaki Mucize (sur Netflix). Nous sommes deux grands sensibles pour ce genre de film. Peut-être Rod un peu plus que moi et nous avons faillit flancher à 18 minutes. On a tenu bon. On a souffert mais c’était magnifique. Un peu forceur de larmes comme dirait l’ado, mais je suis heureuse d’avoir passé cette soirée. Comme très souvent nous l’avons vu en VO sous titrée. Le Turc est une langue magnifique que je ne connaissais pas.

Sur twitter Netflix disait: « Si tu ne pleures pas devant 7. Koğuştaki Mucize, un film turc absolument bouleversant, on ne peut plus rien pour toi. » J’ai bien sûr versé quelques larmes mais pas autant que pour d’autres films. C’est souvent comme ça pour moi, quand la réalisation pousse trop, ça fait l’effet inverse sur moi. En revanche c’est très rare mais je n’ai pas tricoté, preuve que le film m’a happée.

PS: on déplore un « jetlag de confinement » mais nous allons tous bien.

Lundi 13 avril. 30ème de confinement.

On se lève encore bien tard. Bon je crois que l’on est complètement décalés, inutile de lutter

Rodolphe s’active dans le jardin, il va bientôt pleuvoir et il veut terminer ce qu’il a entrepris: assainir un énorme tas de bois, branches, feuilles, cagettes, mauvaise herbes en tout genre. C’est un bordel monstrueux mais avec patience il en vient à bout. Je crois qu’il a besoin de ce temps seul, on en a tous besoin. Alors que Sacha se lève à peine, et qu’il s’asseoit en face de moi pour manger, nous regardons Rodolphe s’affairer.

-Il aurait pu être ermite bucheron, je lance.. Sacha ajoute qu’il lui faudrait quand même son stock de bd, et ses airpod. On se moque gentiment. Dans cette maison, tout le monde se moque les uns des autres. On a toujours fait comme ça. J’ai appris très tôt aux enfants à se moquer d’eux mêmes d’abord avant de manier l’ironie… Si ça a fonctionné tout de suite avec Sacha, cela a mis plus de temps avec Violette. Mais ça y est maintenant, elle tient le second degrés. (Dieu merci, j’aurai été obligée de la rendre sans ça.)

À part notre bucheron, personne ne fait rien. Violette papote avec ses copines, nous trainons en pyj, nous faisons un watsapp entre mes parents à quelques kilomètres, nous et ma cousine à Oléron. On rit, on a hâte de se retrouver tous en Lozère cet été. Si on le peut bien sûr.

Ce matin encore je me suis installée pour lire. Juste une demie heure sur le canap. Parfois je culpabilise de toute cette oisiveté et la seconde d’après je me souviens combien je me plaignais de cette vie à mille à l’heure avec son lot d’emmerdes ces derniers mois. Alors je savoure. Point final.

Nous avons passé la journée chacun dans notre coin à faire nos trucs et c’était parfait comme ça. j’ai cousu le bob make my Lemonade, j’ai regardé fleurir mes pivoines. On est sur un bon lundi de Pâques de la glande.

On prépare un risotto pour nous et des pizzas pour les enfants et on attend l’intervention du président. À quelle sauce allons nous être marinés… le 20 heures nous le dira!

Et sinon je viens de sauver une souris de la gueule de Kate. Putain ce confinement est entrain de me transformer je ne vois qua ça.

PS: Nous allons tous bien et j’ai compris pourquoi nous éternuons tous: les pollens!

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8 commentaires

  1. Répondre sarahC avril 13, 2020 à 7:20

    Coucou Camille,
    Comme tu as raison de « glander », de prendre plaisir à lire allongée sur l’herbe ! Aujourd’hui j’ai calé des coussins sur mon bacon, coincée entre la table et les pots de plantes, j’ai lu, j’ai fait la sieste, j’ai regardé insta et écouté un podcast, et c’etait super ! je ne culpabilise absolument pas, les coloc (mr chérie et mon loulou) ont fait leurs occupations de leur coté et à 17h, je suis sortie de ma grotte (j’avais mis la nappe à cheval entre la table et les jardinières suspendues pour me faire de l’ombre;) ). Je crois que ce confinement nous apprend à nous écouter et à prendre soin de nous, à prendre du temps de manière un peu égoiste.
    Prends soin de toi et tes proches

  2. Répondre JOSIANE GELAUFF avril 14, 2020 à 12:27

    Bonsoir, je n’ai pas été avisée des posts, savez-vous s’il y a eu un problème ?
    Je suis contente de voir, lire que vous allez beaucoup mieux.
    Bonne soirée et bonne semaine

  3. Répondre Maud avril 14, 2020 à 4:13

    La reprise de l école le 11 mai me donne des vertiges…… à vrai dire

  4. Répondre claire avril 14, 2020 à 11:54

    Un grand merci pour ce partage il fait du bien il me fait du bien prenez soin de vous et votre petite famille

    • Répondre Sosobio avril 15, 2020 à 8:10

      Je suis ravie de voir que vous allez mieux…. Oui la glandouille et le temps pour soi sont des activités très prisées en ce moment… À bientôt pour la prochaine chronique que je lis avec grand plaisir….

  5. Répondre Babymeetstheworld avril 14, 2020 à 4:48

    Je culpabilise aussi parfois de ne rien faire mais en même temps quand est-ce qu’on pourra vraiment le faire à part maintenant ! Belle fin de semaine à vous, ensoleillée j’espère !

  6. Répondre Céline / Shalima avril 14, 2020 à 8:41

    Oh, je suis contente que vous ayez terminé le film… Forceur de larmes, je suis assez d’accord, mais quelle efficacité, et quelle poésie, quelle tendresse malgré tout. Des bisous !

  7. Répondre Sosobio avril 15, 2020 à 8:30

    Et je ne regarde pas Instagram mais je crois que nous sommes un peu à cran… Donc ce genre de commentaires est à prendre avec des pincettes, du recul…

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