mars 15, 2020

Chronique familiale d’une Pandémie.

Chronique pandémie
.

Vendredi 13 mars 2020.

J’ai décidé de garder les enfants avec moi aujourd’hui, Le président nous dit à partir de Lundi mais à quoi bon continuer ?

Je pars seule faire des courses assez tôt et je retrouve Elsa et ses enfants. On boit un café, on savoure le soleil. Les gens ne sont pas dingues dans les rayons, mais il est encore très tôt et je découvrirai plus tard des images de cohue. Je rentre vers 10 :00 les enfants sont levés. On s’affaire tous les trois aux tâches ménagères, je cuisine avec Violette. Sacha découvre l’organisation des cours à domicile que ses profs ont mis en place. Je ne sais pas comment tout ça va se passer. Je ne suis pas inquiète, juste un peu ébahie de ce qui se passe. C’est quand même fou non ? Je tourne dans le jardin, je parle aux copines au téléphone. J’ai tenu bon pour les écrans mais à 18h je cède. Un peu avant Rod m’annonce l’arrêt pur et simple de son tournage. Chômage forcée, arrêt des revenus… On va gérer. Vivre d’amour et d’eau fraîche ça nous connait.

J’ai eu envie d’écrire un peu chaque jour. Je ne sais pas si je tiendrai, mais je suis curieuse de laisser une trace ici tous les jours. Comme un témoignage pour plus tard, une trace de ce moment. Enfant, puis adolescente j’adorais les nouvelles aventures, il fallait que ça dépote, que ça fasse valser le quotidien. La nouveauté, l’exclusif… ça me faisait frémir. J’aime les émotions fortes, l’insolite. On est en plein dedans n’est-ce pas? Sans exulter je peux dire ce soir que je suis au spectacle. Regarder notre civilisation se débattre avec un virus microscopique, observer comment les États, les égos réagissent… C’est fascinant n’est-ce pas ?

Notre monde est devenu un laboratoire sociologique. Voyons comment cela se passe par le prisme microscopique de notre famille. Allons-nous supporter un potentiel confinement ? Comment vais-je gérer un ado privé de ses ailes, une enfant qui se croit en vacances, l’école à faire à la maison un mari au chômage technique et du boulot à rendre quoi qu’il arrive…

Wait and see…

Je vous embrasse.

Ps : Ici tout le monde va bien.

Samedi 14 mars 2020.

En me réveillant j’avais plusieurs mails de l’institut pour nous donner des directives pour l’école à la maison. J’ai soupiré. C’est vraiment quelque chose que je redoute fort.

Nous nous sommes pas mal pris la tête aujourd’hui avec Rodolphe. Une pandémie, ça appuie là où déjà ça faisait un peu mal dans un couple. La gestion des émotions de l’un, les nerfs à fleur de peau de l’autre… Notre vision du confinement divergeait un peu et bêtement celle de l’hygiène des mains a mis le feu aux poudres. Après en avoir mis à plat nos sentiments (et nos ressentiments) s’est allée beaucoup mieux.

Je crois que j’étais très mal à l’aise avec les consignes peu claires du gouvernement. Pour moi il fallait que l’on soit en contact le moins possible les uns avec les autres. Sacha était chez mes parents et je m’en suis voulue d’avoir donné mon accord pour qu’il y aille la veille… bref tout ça était un peu flou.

La matinée a été consacrée à comprendre ce que l’on devait faire avec les cours des enfants. Émilie a été d’une grande aide avec ses conseils d’enseignante. J’ai imprimé un livret via le Cned pour avoir un support pour Violette, quant à sacha, les choses semblent se mettre en place plus facilement. Les profs sont au taquet! Nous verrons comment tout cela s’organise dans le temps.

Je prends beaucoup de plaisir à cuisiner avec Violette, elle est volontaire et c’est très agréable de passer ce temps avec elle. Miracle de la pandémie, je cuisine et je range et nettoie tout sur mon passage. C’est un peu comme je préparait notre île pour ces prochaines semaines. Un refuge, un abri. Il faut que ce soit joli.

Ce soir le premier ministre a annoncé la fermeture de tous les établissement non essentiels. C’est arrivé si vite finalement. Demain ce sera le premier jour de notre confinement.

Ce soir les enfants et Rod ont regardé l’épisode 6 de Star Wars, je n’étais pas avec eux mais je m’affairais juste à côté dans l’atelier. Je les voyais , ils étaient tout près tandis que je terminais plusieurs petites coutures qui n’attendaient juste qu’un ourlet ou trois boutons.

Et je me suis dit: notre vie pour les prochaines semaines ce sera ça. Tous les quatre à vivre sans trop sortir, à s’aimer fort et à s’engueuler pire. À se dire des mots d’amour et à s’envoyer des regards noirs.

Tous les quatre sur notre île déserte.

Ps: Ici tout le monde va toujours bien. Ce soir j’ai beaucoup toussé mais aucune fièvre, je pense avoir eu un chat dans la gorge.

Dimanche 15 mars.

Nous avions prévu de ne pas mettre de réveil et de dormir de tout notre saoul. Nous sommes une famille de dormeurs, si personne ne bouge, on peut tenir facile jusqu’à très tard. Ce matin j’ai ouvert un oeil à 09:30 et j’ai sonné le clairon. Habillons-nous et allons acheter le pain à pied. Nous habitons dans les collines, en temps normal nous ne croisons pas grand monde et le dimanche encore moins. Nous avons marché, tenu nos distance à la boulangerie (je suis rentée seule)? Sur le chemin de retour nous avons pris le petit dej en marchant. C’était doux et nous avions conscience que sans doute nous ne pourrions pas sortir souvent tous les quatre.

Je suis assez disciplinée sur les consignes, le président a dit que nous pouvions nous aérer, c’est ce que nous avons fait ce matin. En revanche hors de question pour nous de partir en villégiature. J’avoue d’ailleurs avoir beaucoup de mal et je-pèse-mes-mots, avec l’insouciance générale. Je suis atterrée par la foule encore dehors, élections comprises…

Les enfants on voulu regarder un film prenant que nous préparions le repas et nous avons filé ensuite Rod et moi au jardin. Je voulais juste y passer quelques minutes et nous y sommes restés quatre heures. Et c’était BON!

J’ai lâché sur les écrans et puis j’ai demandé aux enfants de venir nous rejoindre. Que c’est dur de les décoller des consoles, d’un film ou du téléphone. Je m’en veut souvent de ne pas être assez forte pour tenir bon. Cette aprème ils sont venus tout de même et on a pu, broyer, retourner, brule, couper, déterrer, assainir. Tout le mur qui donne sur la rue est débarrassé du vieux lierre mort. J’ai planté de nouveaux dahlias et du thym. Les tulipes fleurissent encore, Harry est resté avec nous une bonne partie du temps n’en perdant pas une miette.

Ce temps qui nous est donné nous servira aussi à ça. À faire ce que nous ne pouvons jamais faire le reste du temps. Prendre un peu le temps, une heure ou deux par jour de faire joli notre jardin, en achetant rien puisque tout est fermé et que nous ne pouvons pas sortir. Gros challenge.

Après le jardin c’est école directe que j’ai débroussaillé! La maitresse de Violette nous a envoyé des directives, quel boulot… Bravo à vous enseignants qui lisez, je souhaite vraiment que tout ce travail soit précieux pour nos enfants.

Ce soir fut houleux… À table nous avons voulu établir un « règlement du confinement » et c’est parti en vrille… Les enfants refusent catégoriquement de travailler, ils ne saisissent pas l’enjeu je crois. Il va leur falloir un peu de temps pour comprendre que tout a changé et qu’il faudra trouver une nouvelle façon de vivre cette période. Mon dieu heureusement que nous allons vers les beaux jours.

Et puis je me suis aussi posée la question de l’intimité… Tous ces jours confinés avec nos enfants, même en ayant la chance d’avoir un jardin ça ne donne pas beaucoup de place aux étreintes… Alors nous avons décidé de nous aménager du temps juste tous les deux, en nous douchant ensemble ou en cuisinant en se bécotant. Parce que mince tout ce bordel va bien nous flinguer le sexe débridé quoi! Pas vrai?

Cette après midi j’ai enfin réalisé. Nous allons rester ici plusieurs jours et sans doute plusieurs semaines. Je nous connais, il y aura des cris, il y aura des larmes, il y aura mes règles et mes spm explosifs. Il me faudra dus port et sans doute des moment seule au fond du jardin à crier de rage. Mais nous tiendrons tous n’est-ce-pas?

Quand le temps me semble long, j’ai l’habitude de me projeter. C’est ce que j’ai fait aujourd’hui en essayant d’imaginer un date de fin potentielle. Je parie sur mai. Un jour nous serons le 1er mai…

PS: Ce soir j’ai encore toussé devant les infos, j’en ai déduis comme Rod me l’a fait remarqué hier, que je somatisais. Hier je l’ai envoyé boulé, ce soir j’ai ri en lui disant qu’il avait surement raison! Nous allons tous bien, même si je sens que l’école à la maison va être folklo!

Article précédent Article suivant

Lire encore...

21 commentaires

  1. Répondre Magmag mars 15, 2020 à 8:59

    L’année dernière, un an jour pour jour, mon homme est entré à l’hôpital pour une petite intervention chirurgicale, 3 jours après, tout partait en cacahuète. J’ai pris un cahier et commencé à écrire, pour garder une trace de ce qui se passait pendant qu’il s’enfonçait, de la vie qui continuait. Il est resté 6 semaines à l’hôpital, pendant ce temps, une petite fille est née chez notre fille, c’était bien la vie qui continuait.
    Je trouve magnifique cette idée d’écrire et de décrire ce moment bien particulier que nous sommes en train de vivre, collectivement et chacun pour soi.
    Demain, je prends un cahier et j’écris, merci !

  2. Répondre Chipiemarie mars 15, 2020 à 9:20

    Je lis beaucoup mais j’écris peu, j’ai l’impression de ne pas savoir le faire… pourtant depuis vendredi et le fait que les enfants ne vont plus à l’école j’ai envie d’écrire pour garder en mémoire cette drôle de vie qui va être la nôtre pendant quelques semaines. Mon couple ne va pas très fort déjà, va t on réussir à se relever de cela sans trop de dégâts pour les enfants et pour nous ? Qui vivra verra ! Mais vivre c’est le sentiment qui le plus fort qui ressort en ce moment ! Merci de ces mots et de ce journal de bord
    Marie

  3. Répondre MamaCami mars 15, 2020 à 9:36

    Quelle bonne idée ce journal! Ici aussi ça va être un challenge de rester tous à la maison, on va essayer d’être zen mais c’est sûr, il y aura pas mal d’engueulades …On va tous devoir faire des efforts pour vivre en bonne harmonie 🙂 ça va être aussi l’occasion de s’occuper avec ce qu’on a sous la main et d’être imaginatifs!
    Et comme toi, je suis effarée de voir que certaines personnes continuent à faire comme avant, à sortir, etc, etc… Restons à la maison et réinventons le quotidien!

  4. Répondre Servane mars 15, 2020 à 9:51

    Hâte de lire après ton super livre sur l’arrêt de la cigarette ta chronique Camille. Maman de quatre louloutes 10/8/8/8 mois on s’est exilés à la campagne. Mission galipettes dans l’herbe et école à la maison. Ça va swinguer

  5. Répondre Berhedig mars 15, 2020 à 10:53

    Dans les moments difficiles, il y a toujours un avant et un après. Des traumatismes, il en sort quelquefois du « bien » même si cela fait mal. J ai vécu un drame en 2013, j ai perdu l homme que j aimais un matin de mai. Il n a pas pu continuer à vivre. L a t il choisi? On ne sait pas… juste que la vie, sa vie s est arrêtée et j ai cru que la mienne allait s arrêter aussi. Mais , pour mes filles, j ai décidé de continuer, je ne  » pouvais leur faire cela ». Je ne suis plus la même femme, je suis plus forte, j ai dû prendre des décisions que je ne pensais pas être capable de faire, J ai réussi à m imposer, à dire non. Ma vie a changé en bien , en mal … le manque , le vide est toujours là mais je cicatrise… lentement…
    Juste pour dire que ce qui m a aidé le plus , c est d écrire sans me préoccuper de la calligraphie, de l orthographe juste mettre sur le papier mes pensées, mes colères, mes regrets, ma culpabilité… toutes mes blessures mais aussi mes espoirs.
    Pas facile d écrire ici ces mots, pourquoi ce soir? Peut être parce que l heure est grave et que nous pouvons perdre des êtres chers.
    Je vais donc reprendre un autre cahier et écrire, écrire…
    Merci Rita le chat, vous êtes une famille formidable!!

    • Répondre Virginie mars 16, 2020 à 11:08

      Témoignage bouleversant, merci

      • Répondre Ritalechat mars 18, 2020 à 7:21

        Merci Virginie. Bisous doux

  6. Répondre Maud mars 15, 2020 à 10:58

    Merci . Mes préoccupations ressemblent énormément aux tiennes . Ça dedramatise mon ressenti . Belle soirée Camille

  7. Répondre FRED mars 16, 2020 à 7:35

    Bonjour Camille,
    Ton idée de laisser une trace écrite de ce que l’on ressent me plait bien. Je vais te « piquer » ton idée. Passez-une belle journée !

    • Répondre Ritalechat mars 18, 2020 à 8:00

      Pique dont Pique dont!

  8. Répondre Marjolaine Solaro mars 16, 2020 à 8:27

    Je pense à vous les chéris. Prenez soin de vous.

    • Répondre Ritalechat mars 18, 2020 à 7:30

      Je déteste être confinée à 800 km de vous tous!!

  9. Répondre Virginie mars 16, 2020 à 11:07

    Bonjour Camille

    Ca fait un moment que je n’ai pas mis les yeux ici. La faute à Instagram ! 😉
    C’est une belle idée ce partage, parfois je pense aux cours d’histoire des enfants dans 10 ans, aux films et livres que nous pourront lire en se disant “tu te souviens?”

    Ici a sydney nous sommes à peu près 10 jours derrière vous (pour une fois !) donc les écoles sont encore ouvertes, tout le reste aussi. Jusque quand ? J’espère le mois longtemps possible…ce sera la seule solution pour que cela s’arrête !

    Bises et à très vite par récits interposés 😘

    • Répondre Ritalechat mars 18, 2020 à 7:26

      J’ai vu que tu avais envie de retrouver le chemin de ton blog. Hâte de te lire aussi. Je t’embrasse fort, et le petit conseil d’une française déjà confiné, n’attends pas trop longtemps avant de le faire de ton propre gré. C’est irréel de se dire ça mais la sitution dans les hopitaux ici commencent à être difficilement gérable.

  10. Répondre Chronique familiale d'une pandémie. #2 - Ritalechat mars 18, 2020 à 8:55

    […] Pour lire les jours d’avant. La chronique N° 1 est ici. […]

  11. Répondre Sophie - du merveilleux mars 19, 2020 à 10:24

    Merci de partager tout ça avec nous.

    Nous sommes nombreux/nombreuses à ressentir le besoin de tenir un journal de cette expérience inédite.

    En ce moment, depuis plusieurs semaines en fait, je travaille sur le lien entre l’intime et le public, entre l’expérience individuelle et l’universalité. On doit se réinventer, réinventer le collectif.
    J’ai réinvesti mon blog, pour creuser tout ça aussi.

    Je crois qu’on va avancer au jour le jour, par essai erreur ajustement !
    Finalement, ça va nous demander d’être créatifs !

  12. Répondre Angeline mars 19, 2020 à 6:21

    Ce que j’aime vous… Te lire !!!!
    On ne vouvoie pas les copines parce que depuis le temps c’est vraiment cette impression que j’ai… Pourtant c’est la première fois que je commente je crois… Vive les chroniques !!!
    Biz
    Angéline

  13. Répondre Emilie mars 21, 2020 à 2:39

    J’aime beaucoup ce témoignage, jour après jour. L’état d’esprit qui change petit à petit à mesure qu’on réalise ce qu’il se passe.

  14. Répondre Chronique familiale d'une pandémie. #3 - Ritalechat mars 22, 2020 à 8:00

    […] vous avez envie de lire dans l’ordre, cliquez ici pour la première chronique #1 et là pour la seconde […]

  15. Répondre Chronique familiale d'une pandémie #4 - Ritalechat mars 25, 2020 à 6:21

    […] tout si vous avez envie de lire dans l’ordre voici le début ici: #1 #2 et […]

  16. Répondre Chronique familiale d'une pandémie # - Ritalechat mars 27, 2020 à 4:56

    […] de commencer, si vous avez envie de lire depuis le début, voici les premières chroniques. #1 #2 #3 […]

Laisser un commentaire