avril 19, 2020

Chronique familiale d’une pandémie. #12

Chronique pandémie
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Comme D’habitude si vous avez envie de lire le début, toutes les chroniques sont rangées ici.

Vendredi 17 et Samedi 18 avril. 34ème et 35èmes jours de confinement.

Deux jours à l’identique.

J’ai reçu le tissu donné par la mairie pour coudre des masques pour des sans abris et des associations qui en ont besoin. Je couds, je trouve des trésors dans des vieilles boites. De l’élastique vieux de trente ans et encore en forme, du fil à gogo. C’est fou d’avoir gardé tout cet attirail… et pourtant voilà que je l’utilise aujourd’hui. Si mon arrière grand-mère voyait ça!

Je me sens utile, et ça fait du bien. J’avais beaucoup de mal depuis le début de la pandémie à ne pas servir à grand chose. Je n’ai pas choisi des métiers utiles à mon pays, mais je vous avoue que je n’avais pas imaginé devoir un jour être mise devant ce constat! Ma mère a eu un gentil mot à ce propos. Je me juge trop durement à ses yeux.

Ma couture à grand échelle n’a pas arrangé l’état de mon atelier! Miraculeusement je m’y retrouve, seuls les fils sont balayés chaque soir… Mais vraiment je dois me bouger pour le ranger un bon coup.

Je suis sortie faire les courses. Deux heures en tout et je dois dire que cette respiration m’a fait un bien fou. Enfin quand je dis respiration… Je ne sais pas si j’ai déjà raconté ici l’état dans lequel je me suis trouvée à Paris juste après la naissance de ma fille. Très angoissée à l’idée de sortir, de me faire agresser. J’avais un dégout de la ville, de la saleté, des microbes. Je VOYAIS les virus et les bactéries se balader et ça me rendait dingue. Exactement comme dans la campagne contre la grippe quand le môme touche une poubelle puis se gratte la joue et que l’on voit pulluler des germes sur son visage. Vous l’avez? J’ai des hauts le coeur juste à en parler.

Voilà ben ça fait pareil en ce moment. L’une d’entre vous m’écrivait qu’il ne fallait pas avoir peur du 11 mai… ou d’après.. Et bien j’ai envie de répondre, que comme pour tout, je vais bien faire comme je peux. Avec mes moyens, mes névroses et ce que je peux endurer.

Ça s’appelle une phobie sociale, c’est ce que mon psy de l’époque me disait… Alors oui je suis plus armée aujourd’hui, j’ai plein de stratégies qui peuvent m’aider et sur lesquelles je peux compter chaque jour. Mais laissez-moi vous dire que je vais y aller doucement.

J’ai rêvé cette nuit, impossible de me souvenir de mon rêve et dans la journée par bribes les images sont revenues, se sont collées les unes aux aires pour me restituer l’histoire que j’avais vécue en rêve.

J’habitais une grande maison avec pas mal de monde. J’étais séquestrée et d’invitée je devenais servante. 

Il y avais une grande piscine, j’ai étudié longtemps comment m’échapper, je me suis faite rattraper plusieurs fois et un beau jour, Rodolphe et moi avons réussi à sortir. J’ai eu besoin de beaucoup de courage, de ruse, de patience… Je me suis forcée à me réveiller une fois la porte passée sans vouloir connaitre la fin ni savoir si nos bourreaux nous rattrapaient. Je voulais juste être libre.

C’est bon l’univers t’es pas obligé de m’envoyer des rêves aussi éprouvants. Je veux être libre, mais je ne veux pas connaitre la suite pour le moment.

La suite vous disais-je est trop compliquée à envisager. Je me laisse du temps démêler tout ça.

j’ai testé la recette du Banana Choc de La ligne gourmande. J’ai adoré… Sa brioche sans lait et sans oeuf pousse au chaud. Je suis fan de ce blog et compte insta depuis des années mais je crois que c’est la première fois que je tente une recette.

Nous sommes sortis. Trente minutes autour de chez nous. Nous avons marché, j’ai cueilli une branche de rosier banks qui dépassait d’un mur. J’essaie de le repiquer on verra…

Rodolphe se construit un meuble pour son atelier. Il est comme moi… il binge des tutos et il se lance comme si sa vie en dépendait! Toujours en cherchant mon approbation. C’est drôle les fonctionnements de couple quand on y pense. J’ai remarqué que je faisais souvent les choses dans mon coin. Il n’est pas rare que les enfants ou Rodolphe apprennent une fois bien entamé que j’écris un guide pratique. Je ne demande jamais l’approbation de personne, comme si le regard de l’autre était trop lourd à porter. Comme si j’avais la trouille de tellement mal faire que je préférais ne rien dire pour que personne ne voit. Ni ne juge.

C’est bien je suis entrain de faire une sacrée liste pour ma psy à la fin du confinement. Je vais prendre un abonnement!

Bon sinon, c’est plutôt doux à la maison en ce moment. L’ado râle mais pas trop. La gosse obéit presque du premier coup… Oui c’est plutôt assez chouette.

Hier on s’est dit qu’on avait juste envie d’aller au resto. Ah ça oui ça me plairait vraiment beaucoup!

Je vous embrasse. J’espère que chez vous tout roule.

PS: nous allons tous bien.

Dimanche 19 avril. 36ème jour de confinement.

Il pleut pour la première fois depuis le confinement. Il fait gris bien sûr mais je suis heureuse que l’eau arrose le jardin et lave le chemin devenu boueux à cause de travaux… L’eau fait du bien. Et pourtant je ne peux m’empêcher de penser à ceux pour qui je couds des masques et qui eux sont confinés dehors.

Depuis hier mon ordinateur me met des alarmes. « Rod/travail ». Et bien non! il n’ira pas! Faut que je désactive ça rapide. C’était un nouveau projet, qui aurait modifié notre façon de vivre considérablement. Ce n’est que partie remise bien sûr mais ce renoncement-là, même temporaire est difficile.

À la veille de leur rentrée (la bonne blague) j’ai remis le nez dans « École Directe ». J’avais demandé plusieurs fois à l’ado s’il avait vu ce qu’il avait à faire, il m’avait toujours répondu qu’il n’avait rien et guess what? en y regardant bien ce matin, j’ai évidemment trouvé, dans l’ordre, un bulletin de note du deuxième trimestre et une poésie de quatre quatrains à la manière de Marbeuf à produire pour… demain!

Et là je me suis épatée. Je n’ai même pas haussé le ton (il faut dire que le bulletin du bougre était vraiment bon!) je suis allée le réveiller en lui disant qu’un bon petit déjeuner l’attendait et une bonne poésie aussi! Et miracle il s’y est mis.

Il a fait un poème sur un chat. J’ai trouvé ça vraiment pas mal et il m’a autorisé à le publier ici. Coco est devenue la muse de Sacha! Ça donne ça:

Châtelain de sa chatière
Chat à la robe chatoyante
Chatouille de ses moustaches
Mon chandail tout propre d’hier


Quand il veut se nourrir il grimpe sur mes genoux
Quand il veut dormir il se blottit dans mon cou
Il feule et joue comme un lion
Jour après jour il grandit ce chaton


Mon chat noir tard le soir
Se balade dans la pénombre
Et c’est là que l’on peut voir
Tard le soir son ombre

Voir mon chat et rêver de sa vie
Une vie ou tout est lenteur
Ou tout n’est que bonheur
Telle est mon envie

L’atelier est presque rangé, j’ai pas mal cousu ces derniers jours, des masques presque exclusivement, mais j’ai aussi terminé certaines choses, mené au bout des petits projets qui m’attendaient souvent depuis des mois. Et ça me fait un bien fou. Rodolphe pendant ce temps finissait à l’abris de la pluie un meuble pour son atelier avec du bois de récup. Les enfants vont et viennent, ils m’aident un tout petit peu en coupant de l’élastique ou des renforts de fils de fer. On papote et on regarde Coco soit sauter partout en essayant d’attraper des mouches imaginaires soit dormir lovée dans sa couverture. J’ai l’impression qu’elle sera poilue! Ma première chatte poilue depuis Rita. (Allez on est bon pour un titre non?)

J’ai froid. j’ai tout le temps froid. J’attends l’été. je passe neuf moi de l’année à attendre l’été. Je ne me plains jamais de fortes chaleurs. J’aime trop ça. J’ai hâte de voir arriver les vrais beaux jours. Ceux des barbecue, des soirées à la belle étoile, des apéros et du basilic sur les tomates. Vous l’entendez le doux bruit des glaçon dans le thé glacé? J’ai hâte que comme la pluie ce matin, le soleil, le vrai, le chaud nous prennent dans les bras et que son été nous fasse tout oublier.

Je vous embrasse.

PS: ici tout le monde va bien.

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12 commentaires

  1. Répondre Maud avril 20, 2020 à 5:19

    La poésie de ton grand est géniale je trouve, bravo à lui. Ici les vacances commencent tout juste et j’espère qu’on va « profiter » un peu, sachant que nous sommes confinés dans une chambre d’hôtel pour cause de sinistre chez nous il y a quelques mois alors ce confinement est un peu une double peine mais en même temps l’après me fait si peur…. bisous et bonne semaine à vous tous (j aime tellement tes photos)

  2. Répondre Odile avril 20, 2020 à 7:06

    Très belle la poésie de Sacha, bonne journée

  3. Répondre Isabelle avril 20, 2020 à 9:21

    Qu’est-ce qu’elles me font du bien ces chroniques poétiques!!!!

  4. Répondre nathalie avril 20, 2020 à 9:33

    Merci pour cette nouvelle chronique ! Bravo à Sacha, poète à ses heures ! Son poème est très réussi !
    C’est gai de savoir que tout va bien pour vous tous. Prenez soin de vous !
    Te dire aussi que tes enfants grandissent à vue d’oeil !
    Bises

  5. Répondre Gaillard avril 20, 2020 à 10:16

    Bonjour! La poésie de Sacha est très réussie. Ici aussi nous envions notre chat zen et yogui! Prenez soin de vous tous
    Laurence

  6. Répondre Annelaboulette avril 20, 2020 à 11:24

    Elle est géniale cette poésie !!! Merci d aider ceux confiné dehors. Ici on a géré 500 places d hébergements supplémentaires mais ce n est pas encore assez… Et je trouve que l on en parle peu. Mon conjoint a créée un atelier de confection de masque dans son centre d hébergement, ça a été une vraie dynamique. J aime la solidarité ça me galvanise alors merci

  7. Répondre Emily avril 20, 2020 à 11:45

    Bonjour Camille !
    Magnifique poème de ton fils dis donc ! Bravo Sacha ! Je trouve qu’on perçoit toute l’adolescence dans ce poème !
    A Toulouse idem c’est la rentrée virtuelle après les vacances virtuelles ! : ))) Dur dur !
    Mon plus jeune fils est en 3e, pas de brevet, pas de voyage de fin de collège … il ronge son frein ! les copains manquent , et la concentration s’évapore très vite ! En français il faut faire un journal de bord du confinement, un compte-rendu de lecture et une étude de texte , pour demain … gloups … ça m’énerve mais j’arrive plus à m’énerver pour ça … ! C’est grave Dr Rita ?
    J’ai envie que l’école s’arrête et que ce soit les « grandes vacances » parce que de toutes façons je sens que les infos, les leçons … rentrent par une oreille et ressortent par l’autre … ça ne sera pas bénéfique dans la durée, c’est de l’urgence seulement (enfin c’est mon sentiment pour mon fils en tous cas.).
    Au sujet des rêves j’ai entendu Julia Kristeva (hier dans C politique sur France 5) dire que justement c’était tout à fait normal de faire des rêves d’enfermement, et en temps de guerre les gens font des rêves de guerre et un livre a été évoqué « 82 rêves de guerre ». (bon, à lire dans 10 ans minimum en période ultra euphorique hein !!!) C’est comme une analyse de la situation … Moi je rêve souvent , dans mes périodes difficiles, de la maison de ma grand-mère, alors que ma grand-mère est décédée il y a plus de 10 ans, sa petite maison vendue à ce moment -là. … je suis dans la maison , dans le petit jardin clos, et avec mon mari on y fait des travaux, parfois ma grand-mère est là parfois non … Je pense que c’est mon rêve-refuge, la seule maison fixe de ma vie, et ma grand-mère grande consolatrice de ma vie aussi. Julia Kristeva a parlé des femmes, et des psy , parce qu’au bout de tant de semaines de confinement on a tous des angoisses décuplées … on le sait, elle continue à avoir ses patients par téléphone. Je trouve ça super intéressant comme démarche !
    Et je voulais aussi te dire que ton journal de bord m’aide beaucoup, je me reconnais dedans et cela me permet moi aussi d’analyser les choses de mon côté. Merci beaucoup pour tout ça !!! (Je pense que je ne suis pas la seule dans ce cas !) ; )
    Je t’embrasse !

  8. Répondre Emilie avril 20, 2020 à 12:26

    Merci Camille,
    j’attends tes récits avec impatience! Quel plaisir de te lire et de se retrouver dans tes mots!
    Le 11 mai et la suite m’effraie aussi…je sais qu’il faudra y retourner mais l’angoisse prend le dessus en ce moment. D’ailleurs, tu parles de stratégies contre les phobies sociales? Tu as des petits secrets à nous dévoiler avant cette date fatidique?
    Je souhaite que les gens changent, que notre vie change…je croise les doigts pour un monde meilleur.
    Bonne journée!

  9. Répondre Lucie en ville avril 20, 2020 à 3:14

    Merci pour ces nouvelles !
    Je comprends ton fonctionnement de faire des choses sans en parler autour de toi : j’ai passé mon code quand j’étais ado en secret de tout le monde, parents et petit ami (je me suis débrouillé pour payer etc.) et je ne l’ai dit qu’une fois que je l’ai eu, j’avais peur de l’échec…
    Bravo pour les masques !

    • Répondre Vanessa avril 21, 2020 à 3:19

      Merci pour ces chroniques Camille. C’est un plaisir à chaque fois de te lire. Bravo au jeune poète aussi, sa poésie est incroyable et en plus faite au dernier moment! Vous êtes beaux tous les 3 sur la photo. Contente que tu sois sorti d’affaire. Bises.

  10. Répondre nuleenig avril 20, 2020 à 3:39

    merci ….ça fait du bien de penser aux bruits des glaçons dans le thé.

  11. Répondre Indrefamily avril 20, 2020 à 9:24

    Qu’est ce que j’aime vous lire !!! Depuis longtemps… Sur le blog, puis sur instagram… Merci
    Quelle belle poésie 👍 vraiment !
    @Portez-vous bien

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